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Le Russe qui voulait devenir Suisse

A l’âge de 20 ans, Daniil Medvedev, No 4 mondial, s’était renseigné pour obtenir la nationalité helvétique


 Pierre Salinas

Pierre Salinas

21 novembre 2020 à 02:01

Tennis » Engagé aux Masters de Londres, où il affrontera aujourd’hui Rafael Nadal pour une place en finale, Daniil Medvedev est l’un de ces nombreux joueurs russes à s’être expatriés pour mettre toutes les chances de leurs côtés. Alors qu’Andreï Rublev (ATP 8) a choisi l’Espagne, où Karen Khachanov (ATP 20) avait d’abord posé ses valises avant de déménager en Croatie, le No 4 mondial est établi dans le sud de la France. Résident monégasque, il s’entraîne depuis 7 ans à Cannes, au sein de l’Elite Tennis Center (ETS) fondé par l’ancien matricule 84 à l’ATP Jean-René Lisnard. Plus près de chez nous, et pour la simple anecdote, c’est à ce même Jean-René Lisnard que la Broyarde Tess Sugnaux (WTA 603) a confié depuis l’an dernier sa destinée.

Né à Moscou il y a 24 ans, Daniil Medvedev n’a pas tardé à embrasser les us et coutumes de son pays d’adoption, dont il parle la langue avec une aisance déconcertante. Son entraîneur attitré (Gilles Cervara) est Français, son physiothérapeute est Français, sa raquette est française, son équipementier est français… Mais saviez-vous que le finaliste de l’US Open 2019 avait voulu devenir Suisse, qu’il avait pour le moins pris contact avec Swiss Tennis pour une éventuelle demande de naturalisation?

Critères stricts

«Je travaillais déjà pour Swiss Tennis quand j’ai entendu cette histoire», confirme Alessandro Greco, directeur du Sport d’élite au sein de la fédération suisse. Et de s’empresser d’ajouter: «Mais les critères de la Confédération sont malheureusement, je dis malheureusement car nous aurions bien sûr aimé qu’un tel talent défende nos couleurs, très stricts. Il faut notamment séjourner en Suisse depuis 10 ans. Evidemment, ce n’était pas le cas de Medvedev qui, en outre, devait avoir 20 ans au moment des faits. L’âge est important car, jusqu’à 18 ans, les années comptent double et les mesures se trouvent donc facilitées.»

Alessandro Greco cite le Zurichois Jeffrey von der Schulenburg en exemple. N° 15 mondial chez les juniors, celui dont les parents sont Américain et Allemand roule depuis toujours pour la Suisse, dont il est l’un des plus sûrs espoirs.

Aides financières

A quelque 700 km des bureaux biennois de Swiss Tennis, Jean-René Lisnard lui-même avait eu vent de cette tentative de rapprochement russo-helvétique. «Il m’en avait parlé, mais la Suisse ne naturalise pas à tout-va. Au contraire du Kazakhstan, par exemple», observe-t-il. «J’imagine que Daniil cherchait des aides financières que la Russie ne lui donnait pas. Je peux le comprendre, car il faut savoir que la fédération russe n’est pas aussi bien structurée que la française ou la suisse. Tu tapes beaucoup la balle, mais dans quelles conditions? Le soutien existe, mais il est très individualisé. Vous parliez des nombreux joueurs russes qui se sont exilés, Marat Safin (ancien N° 1 mondial, ndlr), parti très jeune en Espagne, le premier. Mais il y en a plus encore chez les filles! Ce n’est pas pour rien. D’un autre côté, tous répondent le plus souvent aux appels de leur équipe nationale, que ce soit en Coupe Davis ou en Fed Cup. N’est-ce pas la preuve qu’ils n’ont pas oublié d’où ils venaient et qu’ils se sentent profondément Russes malgré tout?»

Culture de la gagne

En février 2016, Daniil Medvedev avait disputé les tournois Future d’Oberentfelden (Argovie) et Trimbach (Soleure), où il avait par ailleurs battu le Fribourgeois Adrien Bossel en finale. Sans doute son intérêt pour le passeport rouge à croix blanche date-t-il de cette période. A défaut de connaître le Cantique suisse sur le bout des doigts, l’élève de Jean-René Lisnard à l’Elite Tennis Center, qu’il quittera à la fin de l’année, est devenu un vrai petit Gaulois.

«Rapidement, il a voulu prendre des cours de français, le soir après l’entraînement. Il a aussi appris à dire bonjour dans une boulangerie, chose qui ne se fait pas automatiquement en Russie», s’amuse Jean-René Lisnard. Et de conclure: «A l’inverse, Daniil nous a apporté cette culture de la gagne que la France n’a pas.» Et que la Suisse a appris à développer. Même sans lui.

Résultats et classement

Londres. Masters ATP (5,7 millions de dollars). Simple. Round Robin. Groupe «Tokyo 1970». 3e journée: Novak Djokovic (SRB/1) bat Alexander Zverev (GER/5) 6-3 7-6 (7/4). Daniil Medvedev (RUS/4) bat Diego Schwartzman (ARG/8) 6-3 6-3. Classement final: 1. Medvedev 3 victoires/0 défaite. 2. Djokovic 2/1. 3. Zverev 1/2. 4. Schwartzman 0/3. Tableau des demi-finales (aujourd’hui): 15h: Dominic Thiem (AUT/3) - Djokovic. 21h: Rafael Nadal (ESP/2) - Medvedev.

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