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Tennis

«Le jour où il fallait tout donner»

Rafael Nadal a enlevé un 21e titre du grand chelem. Ashleigh Barty a gagné le tournoi chez les dames


31 janvier 2022 à 02:01

Open d’Australie » «Je n’étais pas prêt pour ce genre de bataille, mais c’était le jour où il fallait tout donner», a reconnu Rafael Nadal hier. L’Espagnol a battu Daniil Medvedev en cinq sets et plus de cinq heures en finale de l’Open d’Australie pour décrocher son 21e titre du grand chelem.

Avec votre blessure au pied et tout ce temps passé sans compétition, avez-vous particulièrement souffert ce soir?

Rafael Nadal: Je n’étais pas prêt physiquement pour ce genre de bataille. Je ne m’étais pas suffisamment entraîné pour être prêt pour ça. Mais ce soir c’était très particulier. J’ai donné absolument tout ce que j’avais en moi, vous pouvez me croire. Je suis très, très fatigué. Je n’arrive même pas à fêter (le titre). Mais c’était le jour où il fallait tout donner. Je me suis fait plaisir, j’ai aimé cette bagarre, j’ai aimé ces émotions. Et en plus j’ai le trophée! Ce soir, je n’ai pas eu mal au pied du tout. J’ai pu courir sans aucune entrave. Je ne sais pas ce qu’il se passera demain, mais j’ai eu la chance de pouvoir jouer librement. Je sais que les choses peuvent changer puisque ma blessure est incurable. Mais j’ai pu jouer pendant un mois, c’est déjà beaucoup. C’était inespéré. Alors ça me donne plein d’énergie pour continuer. J’ai adoré me retrouver sur le court. Et maintenant, je pense pouvoir continuer à jouer encore un moment.

Si on regarde les chiffres, vous êtes le plus grand joueur masculin de tous les temps dans les tournois du grand chelem. Que ressentez-vous?

C’est génial de remporter encore un titre du grand chelem à ce moment de ma carrière. Cela veut dire beaucoup, et je sais que 21 est un nombre particulier. Je sais ce qu’il veut dire. C’est un jour inoubliable. Je ne dirai jamais «je mérite» parce que beaucoup de gens se battent et beaucoup de gens méritent. Mais je crois vraiment que mon état d’esprit est très positif. Ces derniers six mois, je me suis beaucoup battu pour revenir sur les courts. J’ai traversé des moments très difficiles, j’ai eu des conversations très dures parce qu’on ne savait pas si je pourrais revenir sur le circuit. Alors je me sens honoré. J’ai la chance d’avoir réussi encore une fois quelque chose de grand dans ma carrière tennistique. Je n’attache pas une grande importance au fait de savoir si je suis ou non le meilleur de l’histoire. Honnêtement, aujourd’hui je m’en moque un peu. Pour moi, l’important est de profiter de soirées comme celle-là. Cela veut dire beaucoup pour moi. Plus que d’avoir remporté mon deuxième Open d’Australie, plus que tout.

Est-ce votre plus grand succès?

Le plus inattendu en tout cas! Je sais ce que j’ai traversé pour en arriver là. Je suis détruit physiquement, je ne peux pas vraiment penser, je ne me rappelle pas bien du match. Le soutien du public a été immense. J’ai été envahi d’émotions pendant tout le match. Ce 21e titre du grand chelem m’a procuré plus d’émotions que le premier (Roland-Garros 2005). Cela ne fait aucun doute. En fin de carrière, on apprécie mieux ces moments parce qu’on sait qu’il y a moins de chances qu’ils se représentent. Donc oui, je suis fier, la satisfaction personnelle est plus grande qu’il y a des années.

Malgré tous ces moments difficiles, qu’est-ce qui fait que vous avez réalisé cet exploit?

L’amour du jeu, la passion, une attitude positive et une envie de travailler. Et les bonnes personnes à mes côtés, qui m’ont aidé chaque jour. ats

Résultats

Melbourne. Open d’Australie. Premier tournoi du grand chelem de l’année (49,71 millions de francs, dur). Finale du simple messieurs: Rafael Nadal (ESP/6) bat Daniil Medvedev (RUS/2) 2-6 6-7 (5/7) 6-4 6-4 7-5. Finale du simple dames: Ashleigh Barty (AUS/1) bat Danielle Collins (USA/27) 6-3 7-6 (7/2). Finale du double messieurs: Thanasi Kokkinakis/Nick Kyrgios (AUS) battent Matthew Ebden/Max Purcell (AUS) 7-5 6-4. Finale du double dames: Barbora Krejcikova/Katerina Siniakova (CZE/1) battent Anna Danilina/Beatriz Haddad Maia (KAZ/BRA) 6-7 (3/7) 6-4 6-4.


Federer félicite Nadal

Roger Federer a félicité via Instagram son rival Rafael Nadal pour son 21e trophée majeur. «Quel match! A mon ami et grand rival Rafael Nadal. Toutes mes félicitations pour être devenu le premier homme à remporter 21 titres du grand chelem», écrit le Bâlois. «Il y a quelques mois, nous plaisantions sur le fait que nous marchions tous les deux avec des béquilles. C’est fantastique! Ne jamais sous-estimer un grand champion. Ton incroyable éthique de travail, ton dévouement et ton esprit combatif sont une source d’inspiration pour moi et pour beaucoup d’autres dans le monde», poursuit Roger Federer qui, comme Novak Djokovic, affiche 20 trophées majeurs à son palmarès. «Je suis fier de partager cette époque avec toi et honoré d’avoir contribué à ce que tu accomplisses encore plus. Comme tu l’as fait pour moi au cours des 18 dernières années. Je suis convaincu que tu peux encore célébrer d’autres succès, mais profite d’abord de celui-ci», conclut le Bâlois. ats


Trois questions à Ashleigh Barty

Le sentiment est-il différent après cette victoire dans l’Open d’Australie par rapport à Roland-Garros et Wimbledon?

C’est à chaque fois différent. Et les victoires sont intervenues à des moments différents de ma vie. Je me rends compte à quel point j’ai de la chance de pouvoir ressentir ces émotions à plusieurs reprises parce que ça n’arrive pas à beaucoup de joueuses. Ces vingt dernières années ont été un sacré bout de chemin passé à taper dans des balles de tennis. En particulier ces cinq ou six dernières années qui constituent la deuxième phase de ma carrière (après avoir joué une saison dans une équipe professionnelle de cricket, ndlr).

Malgré l’enjeu, vous avez semblé très détendue. Est-ce que vous l’étiez vraiment?

Il a toujours été question d’entrer sur le court et de faire de mon mieux. C’est ce que j’ai toujours fait. Il m’est déjà arrivé de ne pas passer loin du titre, mais je pense que maintenant que je l’ai décroché, vous, les journalistes, n’aurez plus besoin de parler de cette pression du Majeur national. C’est vous qui mettiez de l’huile sur le feu parce que, pour nous, le processus a toujours été le même et la joie de participer aussi, quel que soit l’endroit dans le monde où se déroule le jeu ou quel que soit le tour dans le tournoi. Tout ça n’a aucun impact sur la façon dont je me fais plaisir à jouer au tennis et sur mon implication dans un match. Maintenant, d’avoir réalisé cette partie de mon rêve est fou. Mais c’est le résultat de tout ce que nous avons fait avec mon équipe et les gens qui m’entourent. Sans eux, je ne serais pas la moitié de la personne que je suis.

Pour la première fois du tournoi, vous avez été menée à 5-1, dans le 2e set. Comment avez-vous renversé la situation?

Je me suis dit que pendant tout le tournoi j’avais réussi à annihiler même les demi-occasions de mes adversaires, notamment en servant bien quand j’en avais le plus besoin. Je n’ai probablement pas servi au mieux et, contre une des meilleures retourneuses, c’est compliqué. Quand je me suis retrouvée menée 5-1, j’ai simplement voulu retrouver de l’agressivité, ajuster deux ou trois petites choses tactiquement pour reprendre le dessus si on allait au troisième set. Le tennis est un sport amusant avec son système de points et les choses peuvent changer très vite parfois. En plus, je savais que le public adorerait si je parvenais à rester dans le match, et qu’il s’impliquerait. ats


COMMENTAIRE

Les légendes ne meurent jamais

Les légendes ne meurent jamais. Elles sont parfois exsangues, soufflent fort et épais en jetant un sourcil inquiet vers leur clan qui fait mine de ne pas l’être, mais finissent toujours par se relever. Et par trouver une solution, preuve que les légendes brillent aussi par leur intelligence. Hier à Melbourne, après ce qui était sa deuxième victoire à l’Open d’Australie, après être revenu de deux sets à rien surtout, Rafael Nadal était tellement fatigué qu’il a dû s’asseoir pendant la cérémonie protocolaire, qui était aussi celle de son investiture. Tombeur d’un Daniil Medvedev qui avait pourtant la jeunesse pour lui, pas l’insouciance, l’Espagnol de 35 ans n’est-il pas le premier à atteindre les 21 couronnes en grand chelem?

Non, les légendes ne meurent jamais. Mais, pour mieux durer, elles ressentent de temps à autre le besoin de se reposer et de faire le point sur une carrière qui, en ce qui concerne Rafael Nadal, aurait pu prendre fin en août dernier, lorsque le pied du Majorquin, «partagé en deux» (sic!) et rongé par une maladie dégénérative nommée syndrome de Muller-Weiss, soulevait une question quasi existentielle: stop ou encore? L’histoire retiendra que l’homme blessé, l’exemple même de la résilience sur un terrain de sport, a choisi de persévérer, ajoutant à son come-back un chapitre qui ressemble à celui qu’avait écrit Roger Federer à cheval entre 2016 et 2017. Alors, le Bâlois avait mis un terme prématuré à sa saison pour mieux soigner son genou opéré. Six mois plus tard, il ponctuait son retour en s’adjugeant, déjà, l’Open d’Australie. Les légendes se copieraient-elles entre elles?

Dans la course purement statistique au titre de meilleur de tous les temps, Rafael Nadal a pris une longueur d’avance qu’il pourrait accentuer lors du prochain Roland-Garros où, peu importe son état physique, il comptera infiniment parmi les favoris. L’avantage du nombre est réel: il est par-dessus tout psychologique, «Rafa» ayant réussi là où Roger Federer, il y a deux ans et demi à Wimbledon, et Novak Djokovic, en craquant littéralement lors du dernier US Open, avaient échoué. Les légendes apprennent les unes des autres. Après s’être tiré la bourre pendant 15 ans et plus, voilà qu’elles se poussent en avant. Leur ère n’est pas révolue. Pas encore. PIerre Salinas

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