Logo

Sports de combat

Ouste, les pauvres, dégagez!

«Bienvenue au club!» • Où on voit, notamment avec le choc Mayweather-Pacquiao, que le sport actuel en tient une sacrée couche. Hélas, cette couche n'a plus rien de populaire... 


Pascal Bertschy

Pascal Bertschy

23 avril 2015 à 00:05

Tiens, là aussi, le peuple est devenu un gêneur. Même dans les stades, il n’est plus le bienvenu. Le sport est une fête, mais à laquelle le populo a cessé d’être convié. Qui sait que que l’événement sportif de l’année a lieu ce 2 mai à Las Vegas? Tout le monde s'en fout dans les grandes largeurs! 

Le 2 mai, pourtant, ce sera quelque chose. Floyd Mayweather et Manny Pacquiao s’affronteront pour le titre mondial des welters. Choc titanesque entres deux boxeurs d'exception, probablement les deux meilleurs de tous les temps, mais là n’est pas la question. 

La question, ici, c’est le prix des places pour assister à ce qui sera le combat le plus rentable de l'histoire. Elles vaudront entre 1500 et 7500 balles. Et pour regarder le duel Mayweather-Pacquiao à la télévision, aux Etats-Unis, il en coûtera 90 dollars. Individus fauchés, s'abstenir. 

De tels chiffres, moi, me font penser au siècle dernier. C’est-à-dire au temps où la boxe était furieusement populaire, où le peuple était rendez-vous de chaque grand événement. Il y avait un monde fou autour des rings, y compris des pauvres. 

Le populo s'est fait rouler

Pauvre populo. Au fil des âges, il s’est fait voler les sports qu’il chérissait le plus. Il n'y a vu que du feu, s’est fait rouler. Certaines choses ne se verront plus. Il n’y aura plus jamais 80'000 ou 100'000 spectateurs pour assister comme autrefois à un combat de boxe. 

Le Maracanã, à Rio, n’accueillera plus jamais 200'000 personnes. On l’a entre-temps défiguré pour en faire un stade semblable aux autres, formaté pour accueillir du beau monde plutôt que du monde. Public s’écrit désormais V.I.P. Les grands événements s’organisent en fonction de ces trois lettres magiques. 

Des dizaines de millions d’enfants, un peu partout sur la planète, jouent au football dans la poussière des terrains vagues. La Coupe du monde doit leur paraître lointaine. Elle se déroule tous les quatre ans dans des stades remplis, en majorité, de personnes aisées ou très importantes. Very important person... 

Même le vélo ne fait plus rêver

Le phénomène n’épargne ni notre pays, ni le hockey. Voir les places populaires, dans les patinoires, qui se réduisent au profit des loges et des secteurs V.I.P. Je passe sur l'olympisme et ses milliards pour m'arrêter au cyclisme. Sorti des entrailles populaires, lui aussi, le vélo a longtemps fait rêver les ouvriers et les poètes. 

Aujourd’hui, certaines bécanes coûtent plus cher que certaines voitures. Et on a cessé de rêver le jour où Lance Armstrong s’est pointé sur le Tour de France avec ses gardes du corps, son hélicoptère privé, ses attachés de presse. 

Adieu Koblet, Bartali, Coppi et tutti quanti. Finies, la simplicité et la proximité. Oubliés, les champions qui accomplissaient un destin. Maintenant, dans les grands sports, ils suivent un plan de carrière. Avec prière de faire vendre un maximum de maillots et de gadgets.

Elitisme à tous les étages

Les foules joyeusement en délire, les généreuses tapes dans le dos et la poésie ne paient plus. L’élitisme fait rage à tous les étages. «Véhipés» et droits télé, soyez loués! C’est comme ça: le peuple, lui, est prié de rester à distance dans les grandes occasions.     

On me rétorquera que j’exagère, comme toujours, et que la tendance est parfois aussi aux sports qui s'ouvrent. Le tennis, l’équitation et la voile, par exemple, ne sont plus réservés aux seules élites. Oui, oui, si on veut. 

Si j'étais le peuple, je me vengerais...

On ne m’enlèvera pourtant pas de la tête que le sport actuel, à son sommet, en tient une sacrée couche. Hélas, cette couche n’a plus rien de populaire. D’ailleurs, si j’étais le populo, je me vengerais. Les faiseurs d’argent m’ont dépossédé de mes sports? Eh bien, amis riches, je vous le ferais payer: en guise de représailles, week-end après week-end, j’envahirais vos parcours de golf et vos terrains de polo. 

Mais, évidemment, je ne suis pas le populo. Et je ne suis pas non plus maso au point de me farcir un tournoi de golf ou de polo, même si c’est paraît-il très beau.

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus