Daniel Yule. «C’est un privilège de pouvoir vivre du ski»
Dimanche à Levi, le Valaisan attaquera sa douzième saison en Coupe du monde avec une approche différente, toujours basée sur la performance mais avec la notion de plaisir en plus.
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Aujourd’hui à 17:26
Avec sept slaloms de Coupe du monde épinglés dans son armoire à trophées, Daniel Yule possède le plus beau palmarès du ski suisse dans la discipline du virage court. A 31 ans, le skieur du val Ferret a toujours aussi faim de victoires, mais il le dit aussi: il aborde la nouvelle saison, sa douzième (!) complète sur le circuit avec une approche différente. Souriant, posé, apaisé, c’est un Daniel Yule tout en confidences qui s’est ouvert aux médias en octobre dernier, lors de traditionnelle semaine publicitaire de Swiss-Ski à Dübendorf. Interview.
Vous vous attaquez à votre douzième saison en Coupe du monde…
Daniel Yule: Merci de me le rappeler (rires)… Mais excusez-moi, vous disiez?
Alors on disait: vous vous attaquez à votre douzième saison en Coupe du monde, toujours avec la même envie?
Avec même un peu plus d’envie… C’est peut-être l’un des petits avantages de l’âge, parce que quand je suis arrivé en Coupe du monde, j’appréciais moins la chance que j’avais d’être là. Mais au fil des années qui passent, on se rend compte que c’est une chance énorme de faire ce que l’on fait. A Ushuaia (en camp d’entraînement durant l’été, ndlr) par exemple, je me suis amusé comme un jeune…
Les skieurs ne détestent-ils donc pas tous la préparation d’avant-saison?
Il y a dix ans, je détestais la condition physique aussi (rires), maintenant, je prends vraiment du plaisir à la faire. Le fait d’avoir pris conscience que des gens vont au fitness durant leur temps libre pour prendre soin de leur corps et essayer de s’améliorer, alors que moi, cela fait partie de mon métier, m’a ouvert les yeux. C’est un privilège de pouvoir vivre du ski et je me réjouis de la saison qui arrive.
Vous avez évoqué une nouvelle approche dans votre préparation. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
Ces dernières années, j’ai compris qu’il était essentiel de s’adapter aux conditions des pistes. Avant, je privilégiais les neiges dures où je me sentais à l’aise, mais j’ai beaucoup travaillé pour être performant, même sur les terrains moins favorables. C’est aussi pour ça qu’on va en Amérique du Sud. En Patagonie, la météo change très vite et cela nous force à rester calmes dans la tête, à prendre les bonnes décisions, tant au niveau de la technique que du matériel, comme on doit le faire durant l’hiver. Mais il n’y a pas de miracle, tout passe par le travail et la répétition.
Une victoire à Chamonix l’hiver dernier et un 7e rang final en slalom: vous signez pour la même chose cette saison?
Je pense que oui… Après, on sait comment ça va: l’appétit vient en mangeant et je ne me présente pas au départ d’une course dans l’idée de ne pas donner mon maximum. Je sais aussi que certains font toute une carrière sans gagner… Alors, si on me garantit déjà une victoire cet hiver, bien sûr que je signe. Cela dit, je rêve de plus, je travaille pour plus… En tout cas, je vais donner mon maximum.
Les retours de Marcel Hirscher et de Lucas Braathen vous apportent-ils une motivation supplémentaire?
Non, pas forcément. En tant que fan de ski, je trouve ça génial. Cela met un peu de piment, cela donne plus d’intérêt aux courses. Maintenant, je n’ai pas besoin de ça comme motivation supplémentaire. Quand je suis au départ, c’est pour moi, pour essayer de faire mon maximum et peu importe qui d’autre est là… Pour moi, ça ne change pas grand-chose.
A votre avis, les deux seront-ils à niveau en slalom?
Je ne me fais pas trop de soucis pour eux, je pense qu’ils seront à niveau. Après, ils commenceront la saison avec des numéros de dossards un peu plus élevés et leurs performances vont dépendre des conditions. Mais à mon avis, ils n’ont pas oublié comment skier.
En 2019, vous avez déroché la 3e place dans le slalom de Levi. L’adresse idéale pour entamer l’hiver?
J’adore cet endroit et c’est une supercourse pour commencer la saison. La piste est très belle, avec ses mouvements de terrain en haut et après son long mur… Souvent, on y trouve aussi de vraies conditions hivernales. Pour un début de saison, c’est également un peu plus tranquille. Comme le lieu est plutôt reculé, il y a un peu moins de médias et de monde dans l’aire d’arrivée. Ce n’est pas forcément les ambiances folles qu’on peut avoir à Adelboden ou à Kitzbühel, mais l’atmosphère est spéciale, je dirais même intime avec le public qui est dans le village aussi. Je me réjouis vraiment de retourner là-bas.
A 31 ans, comment envisagez-vous la suite de votre carrière?
J’ai l’intention de continuer tant que le plaisir de skier sera là. Après, il y a des jours où c’est plus dur, quand il pleut par exemple. Comme je l’ai dit, je savoure plus ma vie d’athlète que quand j’avais 22 ans.
A vous écouter, on vous sent beaucoup plus apaisé. Etes-vous donc arrivé à un stade de votre carrière où vous vous dites que vous n’avez plus rien à prouver, que maintenant, c’est juste du kif?
Oui et non… Je savoure, mais cela ne veut pas dire pour autant que la rage de vaincre et toutes ces choses-là aient disparu. J’arrive gentiment au crépuscule de ma carrière, je ne sais pas encore combien de temps ça va durer, alors j’en profite… J’essaie d’avoir ce côté serein, mais il y a quand même eu des journées à Ushuaia où je montais les tours et tirais la gueule quand ça n’allait pas comme je voulais. Le compétiteur que je suis reste toujours bien présent, sauf que maintenant, il y a un peu plus d’équilibre. Je n’y pense pas encore, mais je pourrais arrêter ma carrière demain et partir du monde du ski la tête haute.