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Lectrices et lecteurs en Liberté

Mélanie Menoud. «créer, c’est vivre deux fois... »

Mélanie Menoud, ancienne infirmière, s’est engagée à 43 ans sur les voies de la reconversion professionnelle en ouvrant la galerie boutique Les Petits Gris à Romont, où elle déploie son art à l’aquarelle. Entretien.

Mélanie Menoud pour la Lectrice en Liberté. Photo Lib/Alain Wicht, Romont, le 02.08.2022Alain Wicht/Alain Wicht/La Liberté

Angélique Eggenschwiler

Angélique Eggenschwiler

5 août 2022 à 15:55

Temps de lecture : 1 min

Créer » Il y a huit ans, Mélanie, 43 ans, décide de ranger sa blouse d’infirmière pour laisser s’exprimer sa créativité. Très vite, la jeune maman enchaîne les commandes avant de reprendre avec l’artiste Marc Roulin Les Petits Gris à Romont, une galerie boutique consacrée à l’artisanat régional où elle élabore ses délicates aquarelles, à découvrir à la Tour du Sauvage du 19 au 25 août.

Infirmière de formation, vous quittez rapidement la profession. Fatiguée du monde hospitalier?

Etre infirmière, ça sonnait comme une évidence pour moi. J’ai su très vite que je ferais l’école d’infirmières à Fribourg mais je dois reconnaître que pendant ma formation déjà, il y avait certains côtés que je trouvais difficiles. J’étais attirée par le côté relationnel, l’humain, tout ce qui touche à l’accompagnement, comme trouver des solutions pour un retour à la maison par exemple. Le côté très technique des soins m’intéressait moins.

« "Aujourd’hui je n’ai pas le temps pour vous, je ferai demain", c’était juste insupportable pour moi »

Et quel a été le déclic?

J’ai travaillé pendant quelques années à l’Hôpital de Châtel-Saint-Denis où j’étais tombée dans une équipe géniale qui mettait justement l’humain en avant. Mais l’hôpital a fermé, on a été transféré et la dynamique n’était plus tout à fait la même. Devoir dire aux gens: «Aujourd’hui je n’ai pas le temps pour vous, je ferai demain», c’était juste insupportable pour moi. Ce n’était pas ma vision du métier.

Comment s’est passée votre reconversion?

Dans un premier temps j’ai travaillé dans l’accueil extrascolaire. C’est aussi une façon de prendre soin de l’autre mais dans une tout autre dynamique, je venais de la gériatrie et ça m’a fait énormément de bien d’être plongée dans quelque chose de beaucoup plus léger, vif et joyeux avec des enfants qui pétillent et sautent dans tous les sens. J’ai adoré cette période mais il me manquait un peu de challenge. Et il y avait cette dimension créative que j’avais laissée de côté tout au long de mon parcours…

« C’est le dessin qui m’a tout de suite séduite »

Puisque nous y sommes, si vous nous parliez de votre première rencontre avec l’art? 

Je crois que ça remonte à l’école primaire, le jour où mon amie Mélanie Rouiller, qui est photographe aujourd’hui, a amené une bande dessinée d’Enki Bilal en classe. C’est le dessin qui m’a tout de suite séduite. J’ai dévoré des quantités de BD par la suite, j’avais un abonnement à la bibliothèque de Bulle et j’avais même dû demander une procuration à mes parents pour avoir accès à toutes les BD sans limite d’âge! 

Devenir indépendante, c’est quelque chose qui peut faire peur...

J’ai une chance énorme, nous sommes deux avec mon mari, donc je n’avais pas une immense pression financière. Même à présent, je ne pense pas que je pourrais tourner avec deux enfants, je ne suis pas assez productive, je prends encore beaucoup de temps à faire des croquis, à me tromper, recommencer, etc. 

Se tromper, c’est la meilleure façon de progresser, non?

C’est vrai que j’ai adoré découvrir les choses par moi-même, j’ai aussi dû me familiariser avec le numérique et la comptabilité. C’est quelque chose qui ne m’était jamais arrivé avant, en général on va à l’école, on nous apprend à faire les choses d’une certaine manière parce que c’est comme ça qu’il faut faire. Là, c’est exactement l’inverse, tout passe par l’expérimentation. 

« L’eau a toujours été mon élément et j’aime bien ce côté incontrôlé de l’aquarelle »

Vous vous êtes tout de suite orientée vers l’aquarelle. Pourquoi cette technique en particulier?

Je pense que c’est vraiment venu à moi. L’eau a toujours été mon élément et j’aime bien ce côté incontrôlé de l’aquarelle. Je me donne souvent beaucoup de peine pour faire un dessin très fin, très précis et l’instant d’après je fais des grosses taches! Au fond, je crois que je n’aime pas les choses trop nettes, trop propres.

Votre univers est à la fois tendre et coloré. C’était une volonté de votre part?

Je pense que ça reflète un peu ma personnalité. Je suis quelqu’un de très optimiste et oui, je crois que les belles couleurs nous font du bien, on en a besoin. L’idée est d’amener un peu de rêve et de légèreté, ce qui n’interdit pas une deuxième lecture, souvent plus profonde, voire un message engagé. Bon, quand je réalise une carte d’anniversaire j’essaie de m’en tenir à la légèreté... (Elle rit) 

Outre l’espace boutique où vous présentez le travail de différents artisans, Les Petits Gris proposent des cours et des ateliers…

Marc Roulin donne des cours de dessin plusieurs fois par semaine et de mon côté j’ai mis en place des ateliers créatifs où je fais intervenir différents artisans, fleuriste, calligraphe, illustrateur de cartes, etc. J’avais vraiment envie de mettre en avant notre artisanat régional qui est tellement riche. Il faut dire que la plupart des artisans travaillent chez eux, ceux qui osent font un marché de temps de temps, voire une expo donc c’était important pour moi d’essayer de les rendre un peu plus visibles.

« Les enfants ont généralement l’habitude d’apprendre tandis que nous, on oublie souvent de continuer à apprendre »

A qui s’adressent vos ateliers?

Tout âge. Mon idée était de me concentrer sur les adultes parce que les enfants ont généralement l’habitude d’apprendre tandis que nous, on oublie souvent de continuer à apprendre. Ce qui est génial, c’est de les mélanger, on s’aperçoit que les enfants osent beaucoup plus et eux-mêmes se rendent compte que les adultes ne savent pas tout.

L’artisanat, c’est encore quelque chose qui parle aux gens?

Oui, la plupart sont assez réceptifs. Je rencontre beaucoup de gens qui préfèrent consommer moins mais mieux, ils aiment rencontrer l’artisan, ils posent des questions... Après, tout le monde n’a pas cette sensibilité bien sûr, ni les mêmes moyens. Sur les marchés, on a parfois du mal à comprendre qu’un bracelet coûte 5 francs sur un stand et peut-être 30 sur celui d’à côté. C’est aussi la raison pour laquelle j’essaie de sélectionner des marchés artisanaux, même si j’adore les Péruviens, je n’ai pas forcément envie de me retrouver à côté d’un Péruvien qui vend chinois!

Mélanie, avec qui partageriez-vous un café schnaps?

Un grand artiste peut-être, quelqu’un d’un peu foufou comme Salvador Dali. Ou dans un autre registre, j’ai un grand frère que je n’ai jamais connu, il est décédé à la naissance mais il a eu énormément d’incidence sur ma vie. Il a été mon ange gardien en quelque sorte. Donc ça me plairait de discuter avec lui, pouvoir lui dire certaines choses et connaître son énergie. Quoique son énergie, je crois que je connais…

Pour finir, si la lectrice en Liberté nous donnait sa définition de la liberté?

Pour moi, c’est vivre selon convictions, ses envies et ses passions. Et être une femme sans avoir de comptes à rendre à personne.

Votre mot de la fin?

Créer. On dit que créer, c’est vivre deux fois... » 
 

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