Ski alpin. «A Aspen, c’était son vrai niveau»
Une victoire en slalom, deux podiums en géant: Loïc Meillard a sorti six belles manches en trois jours. Des performances de choix qui ne doivent rien au hasard.
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Christophe Spahr
4 mars 2024 à 18:00
Trois podiums en trois jours, deuxième derrière l’intouchable Marco Odermatt, en géant, une première victoire en slalom, Loïc Meillard a vécu un week-end idyllique à Aspen. Mais qui ne doit rien au hasard pour autant. Sa place, dans les épreuves techniques, c’est le podium ou dans les environs immédiats.
A Aspen, Loïc Meillard a donc réalisé un carton quasiment plein puisque outre sa victoire en slalom, il a terminé deux fois au deuxième rang en géant derrière l’inévitable Marco Odermatt. Qu’il a d’ailleurs poussé à devoir prendre de gros risques pour rester invaincu dans cette discipline. Ses soucis de début de saison, liés aux fixations notamment – deux pertes de ski –, sont oubliés. «Je ne pouvais rêver mieux», jubilait le skieur d’Hérémence après sa victoire. «Cela m’a pris du temps en slalom. J’étais là mais jamais tout devant. C’est incroyable d’y être arrivé aujourd’hui.»
Toujours devant
«Il faut savoir qu’à l’entraînement, ce sont les coaches qui le disent, il est toujours devant. Il est même régulièrement plus rapide qu’Odermatt», précise Patrice Morisod, ancien entraîneur. «Ce n’était donc qu’une question de temps.» Didier Bonvin, ancien entraîneur, le différencie d’autres athlètes. «Il adore vraiment le ski là où d’autres l’appréhendent comme un boulot. Il est à l’aise sur toutes les neiges, capable de skier dans les bosses ou la poudreuse avec le même plaisir. Ça se retrouve dans ses manches.» En géant, il n’a donc été battu que par un skieur, Marco Odermatt, qui a joué les équilibristes. «Qu’il termine encore devant malgré la grosse faute qu’il commet le deuxième jour, c’est incroyable», constate Patrice Morisod. «Loïc est quand même parvenu à le titiller.»
«Sa moue à l’arrivée du géant, deux fois, a trahi une certaine déception de sa part», commente Didier Bonvin. «Pour lui, ça a été dur.» Est-il possible de sortir des manches, six en trois jours, plus propres que celles-ci? Là où ses concurrents étaient chahutés, Loïc Meillard a véritablement dompté la piste. «Le ski était le même à Aspen qu’en début de saison», nuance l’intéressé. «Il était très léger, très facile et très rapide. C’est juste que j’avais perdu toute confiance. Elle est revenue. La confiance se perd en deux courses et il en faut dix pour la retrouver.»
«Il était sur des rails durant trois jours», apprécie Didier Bonvin. «C’est un beau skieur. Certains lui reprochent, parfois, un manque d’engagement. Mais c’est son style. Il minimise les fautes. C’est un métronome capable de se surpasser.»
«Le plus impressionnant, c’est le sentiment de facilité qu’il a dégagé quand les autres devaient se battre», relève Patrice Morisod. «Clément Noël, même s’il n’enfourche pas, termine derrière. Techniquement, il a encore franchi un palier. Il a évité d’arrondir ce qui peut lui arriver quand il est moins en confiance.»
«J’ai vu son vrai niveau, celui qu’on connaît à l’entraînement avec six manches pleines», corrobore Patrick Flaction, son préparateur physique.
Calendrier planifié
Par rapport à la saison précédente, Loïc Meillard a laissé tomber la descente et couru deux fois moins – quatre contre huit – de super-G. «Cette décision n’a pas été prise pour le protéger physiquement», assure Patrick Flaction. «La question était de savoir, au départ d’une course: «Qu’est-ce que ça rapporte?» Le calendrier est planifié en fonction du besoin de s’entraîner ou de courir. Il sait que dans les épreuves techniques, il peut être tout devant. Si les super-G se calent bien dans le programme, il y prend part.» A en croire son préparateur physique, le général n’entre pas dans cette réflexion. «Non parce que pour espérer battre Marco Odermatt, il faut prendre le risque, comme Marco Schwarz, de tout courir. Bof… S’il est sûr de monter systématiquement sur le podium en géant et en slalom, il peut réfléchir différemment. Au printemps, on discutera avec ses entraîneurs de la philosophie à adopter la saison prochaine. Physiquement, il est de toute façon l’un des meilleurs sportifs suisses, toutes disciplines confondues.»
A 27 ans, l’un des skieurs les plus complets du circuit ne compte «que» trois succès: un en parallèle, un en géant en l’absence de… Marco Odermatt et un en slalom, désormais. Il est encore monté 19 fois sur un podium en Coupe du monde. Le Neuchâtelois d’origine compte aussi une médaille d’argent en géant et deux de bronze, en combiné et en parallèle, lors des mondiaux. Seuls les Jeux olympiques ne lui ont pas encore souri. Ce palmarès est certes enviable mais Loïc Meillard, eu égard à son talent, peut encore l’enrichir ces prochaines années. «En technique, il peut systématiquement viser le podium», estime Patrice Morisod. «Il s’est vu gagner en géant, il a été tout proche de briser la série de Marco Odermatt.» Didier Bonvin ne voit pas cette concurrence d’un mauvais œil. «Cette dynamique les aide et les pousse à être meilleurs. De le côtoyer à l’entraînement est aussi bénéfique.»
Le Nouvelliste