Revivre le mystère de l’Agneau pascal

Pâques » Le Christ est souvent identifié à l’agneau sacrificiel de la Pâque juive. Comment comprendre cette métaphore, sur quelles bases bibliques repose-t-elle, pourquoi a-t-elle tant fasciné les artistes, et comment peut-on encore l’interpréter aujourd’hui? Les explications du curé Christian Schaller, qui organise avec succès depuis dix ans un très original Repas de l’Agneau le Jeudi-Saint, dans sa paroisse bilingue de la Sainte-Trinité, à Berne.

Chaque année, après la messe du Jeudi-Saint, vous proposez le Repas de l’Agneau à vos paroissiens. D’où vient cette tradition?

Christian Schaller: Le mystère de Pâques est une fête personnelle mais aussi communautaire. La table est un moyen idéal pour fêter ensemble. Les premiers chrétiens prenaient un repas en commun, qu’on appelait agape. Aujourd’hui, cette tradition a disparu de nos célébrations religieuses, c’est pourquoi j’ai proposé ce repas de l’Agneau après la messe. Le Jeudi-Saint, le menu nous est dicté par l’Ancien Testament. C’est le repas de la Pâque juive, qui commémore la libération du peuple juif du joug du pharaon. Cela remonte à la dixième plaie d’Egypte, lorsque les Hébreux avaient protégé de la mort leurs premiers-nés en marquant leur porte avec le sang d’un agneau. Ils avaient ensuite mangé l’agneau à la hâte, sandales aux pieds, avant de fuir vers la Terre promise.

Le Jeudi-Saint, est-ce cette même Pâque juive qu’a fêtée Jésus avec ses disciples, à Jérusalem?

«Dans la symbolique de l’Agneau, il y a le don total de soi» 
Christian Schaller

Oui, Jésus a célébré la Pâque comme tout bon juif. Il l’a fait certainement en mangeant de l’agneau, même si les textes n’en disent rien. Lors de ce dernier repas, il a légué son testament spirituel. Comme le veut le rituel, il a pris le pain et le vin, et prononcé des prières de bénédiction. Le Christ a alors dit: «Ceci est mon corps. Ceci est mon sang.» Il a ensuite demandé à ses disciples de refaire ces gestes en sa mémoire.

Pourquoi le Christ est-il appelé lui-même Agneau de Dieu?

C’est Jean Baptiste, dans l’Evangile selon saint Jean, qui affirme que le Christ est «l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde», une phrase que l’on prononce encore dans chaque célébration avant de participer à la communion. La métaphore de l’Agneau se comprend dans le sacrifice de la croix, le Christ étant mort pour nous sauver de nos péchés. L’image christique de l’Agneau renvoie aux sacrifices de l’Ancien Testament, où le bélier était offert en offrande pour apaiser la colère de Dieu ou gagner ses faveurs, ou alors comme «bouc émissaire» condamné pour les souffrances endurées par le peuple. La référence à l’agneau immolé se trouve aussi dans le Livre d’Isaïe, lorsqu’un serviteur condamné se tait, «semblable à un agneau qu’on mène à la boucherie». Elle est reprise par Paul dans son Epitre aux Philippiens, un des premiers credo des chrétiens qui nous rappelle que le Christ n’a pas gardé sa condition divine mais est devenu humain jusqu’à donner sa vie.