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Société

Pour des villes en transition

Les crises nous forcent à revoir nos modèles urbains: horizontaux ou verticaux, ouverts ou fermés? Inclusifs et durables, autant que possible


Gilles Labarthe

Gilles Labarthe

10 novembre 2020 à 19:56

Temps de lecture : 1 min

Urbanisme » En 2020, nos villes auront rarement été autant confrontées aux enjeux des crises écologiques et sanitaires. La pression monte, il devient urgent de repenser notre rapport à l’espace et au développement urbains. «Comment habiter et construire la ville dans un contexte de crise?» Cette question était au centre d’une conférence-débat organisée le 27 octobre par la Faculté des sciences de la société de l'Université de Genève et le réseau EXPLORE (initiative du Département du territoire pour construire ensemble la Genève de demain), avec un invité de marque: le sociologue et historien d’origine américaine Richard Sennett, qui enseigne aujourd’hui au Center on Capitalism and Society de l'Université de Columbia et comme professeur invité d’études urbaines au Massachusetts Institute of Technology-MIT.

Richard Sennett a rappelé à cette occasion certains éléments-clés de ses analyses. Sa préoccupation majeure: comment organiser et construire la transition dans nos sociétés, pour qu’elles ne génèrent pas autant de ségrégation, de laissés-pour-compte? Dans les contextes des crises actuelles, «nous ne pouvons plus supposer que nos conditions de vie ne vont pas changer», avertit le spécialiste américain, qui nous met en garde contre des «solutions» trop hâtives.

Une proximité nécessaire

Premier réflexe à éviter: s’isoler derrière des murailles, en se croyant à l’abri des menaces. Murs entre Israël et la Palestine, murs à la frontière du Mexique et des USA, murs entre quartiers riches et quartiers pauvres… «Nous avons aussi créé trop d’espaces isolés dans les villes, par réaction de terreur, comme pour se protéger.» L’urbaniste souligne des paradoxes dans la gestion des réponses face à la pandémie de coronavirus: «Cloisonner des espaces ne suffira pas à nous sauvegarder. Et il ne faudrait pas confondre non plus gestion des risques liés à une trop grande densité de la population avec proximité, nécessaire à la vie sociale.»

L’historien se dit par ailleurs «surpris qu’avec toute cette crise sanitaire, les autorités se soient d’abord concentrées sur les interventions sur le domaine public, y compris les espaces verts comme zones de contamination, plutôt que sur les lieux intérieurs où les gens tombent effectivement malades, comme chez eux, et notamment au travail. C’est un des effets de la pandémie que je constate à New York: les personnes les plus touchées sont aussi les plus précaires, celles qui ne peuvent pas faire autrement que de se rendre au boulot, les ouvriers et travailleurs manuels.» En bref, les décideurs ont souvent confondu promiscuité, qui peut être vecteur de contamination, avec proximité et fluidité des espaces urbains, qui permettent d’entretenir un minimum de contact social.

Des villes vertes

Autre fausse idée: «Dans la presse, on a toujours fait une opposition entre villes «vertes» et densité. Or, pour qu’une ville soit saine, on a justement besoin d’une certaine densité, par exemple pour organiser les transports en commun», ou d’autres services publics. Pour Richard Sennett, l’avenir des villes ne se joue pas dans la limitation de leur taille ou leur décentralisation, mais dans la capacité que nos politiques auront de rendre ces densités plus vertes, plus flexibles, avec des structures évolutives, et non pas limitées à une seule fonction.

Un problème récurrent frappe le spécialiste: le manque de considération par les autorités des pratiques des espaces urbains que développent les travailleurs et les habitants d’une cité, ou même d’une mégapole. Comme si la vie qu’ils mènent dans les rues et les zones urbaines, au niveau du sol et de l’horizontalité de l’espace, échappait à l’attention de fonctionnaires repliés à la verticale dans leurs bureaux. Autrement dit, si le top-down est nécessaire pour gérer à grande échelle, il ne faudrait pas oublier le bottom-up.

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