Lou . « En un claquement de porte, ils sont partis, et me voilà seule… »

C’est dans les teintes orangées d’octobre et l’ambiance de rentrée universitaire que s’ouvre cette nouvelle saison de Lou. Maintenant devenue une jeune femme, Lou débarque dans la ville de Tygre pour y débuter des études. Laissée à elle-même dans ce tout nouveau décor, elle va devoir y trouver sa place, en faisant face à ses vastes et incessants questionnements existentiels.

En passant les doigts entre les pages, on est rapidement captés par une agréable promenade colorée. S’il poursuit la ligne graphique des précédents albums, ce nouveau format a permis à l’auteur de jouer davantage avec l’agencement de ses cases, le faisant aboutir à une œuvre rythmée de très bons équilibres visuels. Par sa maîtrise de la gamme chromatique, il a su donner à chacune de ses doubles pages une unité forte, reflétant tout un univers différent, valsant au gré des émotions de l’héroïne.

Une BD pour jeunes, et moins jeunes !

En lançant cette nouvelle série d’albums, l’ambition annoncée de Julien Neel était de réussir à s’adresser à de jeunes adultes. Comme il le témoigne à France inter : « tout le challenge de cette deuxième saison, c’était de faire grandir les lecteurs, le livre et l’auteur en même temps ». Sur le plan formel et thématique, on peut dire que le pari est réussi : le format a changé, le nombre de pages a triplé, et accueille désormais le récit d’une Lou dans la vingtaine. Alors qu’elle rentre dans cette excitante phase d’indépendance, la solitude se présentera à la fois comme son ennemi et son alliée. Une forme de chemin introspectif donc, où toute personne ayant déjà vécu la perte de repères qu’impose un déménagement dans un ville inconnue saura se reconnaître.

Concernant les autres éléments narratifs, Julien Neel fait le choix du mystère généralisé : on ne sait ni dans quelle faculté étudie Lou, ni ce sur quoi porte son mémoire. De plus, son année universitaire est marquée par plusieurs rencontres pour le moins énigmatiques : un prof’ complètement barge, un garçon au comportement lunatique… Bref, un univers décalé auquel s’ajoute une série de mystères que l’on suppose être en lien avec le récent phénomène des cristaux (sorte de coupure mondiale de réseau survenue au tome 6). Si ces scènes ouvrent la porte à nombre d’interprétations et de projections individuelles, l’abstraction dominant ce nouvel album laissera peut-être un léger goût d’inachevé dans le cœur de certains lecteurs.

Dans une interview accordée à la RFI, Julien Neel expliquait avoir conçu ce nouvel album de manière à ce qu’il soit compréhensible par des lectrices et lecteurs n’ayant pas connaissance des précédents. Mais à mon avis, même si la Sonata de Julien Neel saura être appréciée des néophytes pour la beauté de ses planches et l’énergie qu’elles dégagent, à la lecture ils risquent certainement de sentir que certains éléments narratifs échappent à leur entendement.

C’est pourquoi j’aimerais vous glisser un conseil d’amie : avant de vous jeter dans ce neuvième album, prenez le temps d’escalader vos étagères à la recherche de l’intégrale, installez-vous confortablement dans votre fauteuil et replongez tendrement dans vos souvenirs d’enfance. Vous rirez surement beaucoup, et ce petit détour ne vous permettra que de déguster avec plus de saveurs l’univers adulte de votre petite héroïne blonde.