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À travers le Japon, en train, en voiture, à vélo

Après quelques mois de pause, notre chroniqueuse a repris sa plume pour partager avec vous un cinquième épisode nippon.


Lise Schaller

Lise Schaller

2 avril 2023 à 22:44

L’article en ligne » Je vais vous décevoir tout de suite : cet article n’est pas un guide touristique, je n’ai pas traversé le pays à vélo, et je n’ai pas de permis de conduire. Et puis nous parlerons aussi avions, mais comme l’esthétique du titre aurait souffert de les mentionner, j’ai coupé. Qu’est-ce que vous voulez ; dans la vie, on n’a pas toujours ce que l’on veut, c’est comme ça.

Le Japon aime ses voitures, c’est certain. Le doraibu (de l’anglais « drive », rouler) est même un passe-temps assumé de nombreux Japonais ; partir pour un doraibu, c’est emmener ses ami·e·s, son galant ou sa galante pour une balade en voiture pour le simple fait de conduire. Vous ne possédez pas de voiture ou la vôtre est trop petite ? Pas de problème : les magasins de location de voitures souvent bon marchés sont monnaie courante au Japon.

En ce qui concerne la circulation, les feux sont en général réglés pour donner la priorité aux chauffeurs·euses plutôt qu’aux piéton·ne·s, ce qui fait de l’excuse « j’ai dû attendre deux minutes le feu vert » un argument valable pour louper son bus. Ça, c’est une ingénieure en génie civil qui me l’a raconté, mais j’ose affirmer qu’il n’y a pas besoin d’être ingénieure pour comprendre que les piéton·ne·s se font bien avoir dans l’histoire. En contrepartie, on offre aux plus pressé·e·s des ponts et des passages sous-terrain, mais pour monter, traverser et redescendre d’un étage – ou l’inverse – avant le prochain feu vert, il faut être en forme. Sachant qu’environ 28 pourcents de la population nippone a 65 ans ou plus, ce n’est pas gagné.

Les chauffeurs et chauffeuses partagent souvent la voie avec les cyclistes. La cohabitation est plutôt harmonieuse ; les cyclistes semblent être accepté·e·s où qu’iels roulent, on leur fait la place, et les centres-villes sont bourrés de parkings à vélo sécurisés. L’étudiant·e typique est fier·ère détenteur·rice d’un vélo avec sa corbeille à l’avant, sa selle trop basse et sa chaîne salement rouillée qui fait un bruit à transpercer les meilleurs casques à réduction de bruit Sony. C’est là que j’avance ma théorie : si on tolère les cyclistes partout, c’est bien parce qu’iels ne disposent que rarement d’une voie faite pour eux·elles. L’université de Kumamoto m’a envoyé les règles de conduite pour cyclistes – ces dernières, dictant que tout véhicule, vélo compris, roule sur la route sauf sous certaines conditions obscures, sont irréalistes. Les japonais·es l’ont bien compris et ne s’y tiennent pas. Les routes à Kumamoto sont trop minces, pas lisses, et juchées d’obstacles dignes d’un Mario Kart Level Super Hard. Les cyclistes slaloment donc, parfois à contre-sens (sic !), entre différents poteaux, taxis et autres voitures arrêtées sur le bord de la voie, les arrêts de bus, les piéton·ne·s, les chargements de légumes du maraîcher du coin et le vieux chat de Madame Suzuki. 

Faire du vélo dans les villes japonaises demande un peu de courage, mais quand on s’y est fait, c’est plutôt agréable. Tout·e Fribourgeois·e a de quoi envier le plat de la grande majorité des villes japonaises qui fait que même notre Madame Suzuki, 70 ans, et Monsieur Mori le salaryman (cadre, employé de bureau) dans son costard fraîchement repassé s’osent au vélo. Cependant, le transport préféré du ou de la salaryman reste le train. Ah, les trains japonais ! Comment ne pas adhérer à ces engins toujours à l’heure ? Avec moins d’une minute de retard annuel au compteur, ils ont de quoi faire suer même les CFF. Dans le train, le·la vrai·e salaryman est reconnaissable à son pouvoir magique légendaire qui consiste à s’endormir durant le trajet, parfois sur l’épaule de son voisin ou de sa voisine, et à se réveiller exactement 5 secondes avant son arrêt.

Et puis, il y a les avions. (Pour être honnête, il y a aussi les bateaux, mais nous allons les ignorer pour aujourd’hui.) L’empreinte carbone n’étant pas un concept qui semble inquiéter même une minorité de Japonais·es, prendre l’avion à l’intérieur même du pays est plutôt fréquent, et souvent l’option la plus économique. Certain·e·s pendulaires relient les grandes villes en avion plutôt qu’en shinkansen (train à grande vitesse), malgré la rapidité de ce dernier. Comptez environ 1h30 pour relier Osaka à Tokyo en avion, 3h15 en shinkansen, pour près de 6h30 en voiture. Oui, vous avez bien lu – le shinkansen est d’une efficacité redoutable. Quand vous viendrez au Japon, achetez un billet pour le prochain shinkansen, offrez-vous un bentō, ces repas japonais à l’emporter, asseyez-vous si possible près de la fenêtre à droite si vous partez de Tokyo pour le sud, et saluez le Mont Fuji de ma part. Et si vous sentez vos paupières vous alourdir, n’oubliez pas de mettre un réveil.
 

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