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«La version de Tetris que j’ai programmée était imbattable»

L’inexorable casse-tête, tout juste vaincu par un ado américain, fête ses 40 ans. Retour sur une incroyable odyssée ludique entre les blocs communiste et capitaliste.

Tetris, né en 1984, doit son nom à la contraction de «tetra» (pour les quatre cubes constituant chaque pièce) et de «tennis» (le jeu préféré du créateur Alexey Pajitnov). © Keystone

Thierry Raboud

Thierry Raboud

12 janvier 2024 à 13:30

Temps de lecture : 1 min

Jeu vidéo » «Oh my god!» Stupeur, palpitations et douleurs aux doigts. La semaine passée, Willis Gibson est devenu le premier humain à vaincre Tetris. Sur la console NES, le jeune Américain de 13 ans a accompli cet exploit jusqu’alors réservé à l’intelligence artificielle, emboîtant les pièces de ce puzzle en principe infini jusqu’au niveau 157 quand la machine s’est figée… Game Over?

On écrit dans la foulée à Alexey Pajitnov, l’ingénieur soviétique qui en 1984 donnait naissance à ce jeu vidéo parmi les plus populaires au monde. «La version de Tetris que j’ai programmée était imbattable, nous répond-il. J’ai fait en sorte que la vitesse augmente jusqu’au niveau 9, puis qu’elle reste la même tant que le joueur peut survivre. Les ingénieurs qui ont travaillé sur la version NES ont peut-être pris le risque de laisser des niveaux avec des vitesses beaucoup plus élevées dans le jeu parce qu’ils pensaient que personne ne les découvrirait jamais. Après tout, la manette d’origine n’était pas idéale pour jouer à ces vitesses.»

C’était sans compter le rolling, technique inventée en 2020 et adoptée par l’adolescent, qui consiste à utiliser tous les doigts pour marteler cette pauvre manette jusqu’à atteindre des fréquences de plus de 20 pressions par seconde. «Un exploit extraordinaire, qui défie toutes les limites préconçues de ce jeu légendaire», a réagi Maya Rogers, directrice de la Tetris Company. «Cette réalisation monumentale ouvre non seulement de nouvelles perspectives dans le domaine de Tetris, mais elle suscite également notre impatience quant à son avenir. Nous nous réjouissons de l’incroyable voyage qui nous attend!» C’est donc un nouveau chapitre qui s’ouvre dans l’incroyable épopée à la fois technologique, commerciale, ludique et géopolitique de ce casse-tête soviétique qui depuis 40 ans obsède ceux qui s’y adonnent.

Addiction fulgurante

Comment un puzzle d’arcade codé sur une machine vétuste dans un bureau moscovite est-il parvenu, au soir de la guerre froide, à déferler en tête des ventes aux USA avant de conquérir le Japon et le monde? L’histoire est rocambolesque. «S’il fallait la transposer aujourd’hui, il faudrait imaginer que le successeur d’un produit aussi populaire que l’iPhone puisse demain émerger de la terre des Inuits», écrit Daniel Ichbiah, qui a rencontré Pajitnov et a publié un livre sur la trajectoire de cet «épicurien de l’informatique» et de son obsédante invention.

Plongée derrière le rideau de fer: entré à l’université pour échapper à l’armée, doué pour les mathématiques et grand joueur de cartes, le jeune Pajitnov traîne dans les couloirs académiques, attendant son tour pour accéder à l’ordinateur de l’Académie des sciences. Le désarroi guette. «Certes, j’aimais coder, mais je me retrouvais à opérer comme un programmateur sérieux, et cela m’a rapidement ennuyé», se souvient-il. Délaissant sa thèse, il s’occupe en créant des jeux dans le style de ce Pac-Man apparu sur les bornes d’arcade de Moscou où des gamins éclusent leurs rares kopecks.

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