Loup-garou, la peur du dédoublement
Patrick Dandrey parlera de l’hybridité et de la métamorphose, de l’Antiquité à nos jours, à Genève
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Aude-May Lepasteur
28 octobre 2019 à 17:10
Imaginaire » Le bizarre, l’étrange, l’hybridité, la métamorphose. En quatre conférences publiques successives, Patrick Dandrey offre depuis hier à son auditoire un «cheminement dans le dépaysement», du sourcil qui de surprise se lève aux rêveries angoissées qui accompagnent la monstruosité. Invité à Genève par le Bodmer Lab, le professeur émérite de littérature française à la Sorbonne parlera mercredi et la semaine prochaine de nostalgie, des animaux des fables, mais aussi de loup-garou, et ceci de l’Antiquité à nos jours.
Quelle différence y a-t-il entre hybridité et métamorphose?
Patrick Dandrey: Dans les deux cas, il s’agit de formes naturelles qui s’associent de telle manière qu’on n’y reconnaît plus la nature. L’homme craint en lui l’émergence de la bête dont, peut-être, il sent confusément qu’elle demeure en lui. L’hybridité – j’aborderai principalement celle des contes et des fables avec leurs animaux parlants – et la métamorphose – celle des loups-garous – semblent incarner des dérapages sur le chemin de l’humanité.
L’hybridité à mon sens ne produit toutefois pas le même effroi que la métamorphose. Elle relève davantage du domaine de l’insolite. Contes et fables se déroulent généralement de jour, alors que les loups-garous se métamorphosent de nuit: il y a dans ce dernier cas quelque chose d’effrayant, de malsain, de diabolique.
Le monde occidental a-t-il l’exclusivité de ces mélanges ou les retrouve-t-on au contraire dans toutes les cultures?
Ils me semblent universels. Pour ma part, je les interroge dans la civilisation indo-européenne: nos mythes viennent de populations originaires, jadis, du sous-continent indien. Au cours de leurs migrations vers l’Europe, ces légendes ont été conservées plus fidèlement dans le monde scandinave et germanique que gréco-romain, mais partout, en filigrane, se retrouve l’expression d’une hantise du dédoublement dont procède le mythe du loup-garou. Une version de ce mythe, c’est que le loup-garou bat la campagne tandis que le sorcier dont il constitue le double fantomatique dort dans son lit. Ainsi, on racontait qu’une blessure infligée au loup-garou se répercutait de manière magique sur le corps du dormeur.
« En écorchant le loup-garou, on veut voir ce qu’il y a à l’intérieur. »
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