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Société

Le grand retour de la «petite reine»

Le vélo est souvent «la solution» en période de crise. Mais en Suisse, la mobilité douce reste à la traîne


 Gilles Labarthe

Gilles Labarthe

18 mai 2020 à 14:30

Temps de lecture : 1 min

Mobilité » Crise économique, crise du pétrole, paralysie des transports en période de grève, et aujourd’hui, crise sanitaire et climatique… Depuis son invention en 1817, la bicyclette a souvent représenté une solution idéale pour résoudre de multiples problèmes. Les explications de Patrick Rérat, professeur de géographie des mobilités à l’Université de Lausanne: il est l’un des rares chercheurs en Suisse à se consacrer au vélo comme objet d’étude, révélateur d’importants enjeux urbains, mais aussi socioculturels.

Quel est votre parcours?
Patrick Rérat: Je m’intéresse aux questions de mobilité en général: au début, plutôt de mobilité résidentielle, de parcours migratoires de jeunes diplômés, puis des formes de mobilité quotidienne. Après avoir été nommé à l’Université de Lausanne, il y a six ans, mon intérêt s’est porté sur le vélo comme objet d’étude.

Pourquoi s’intéresser aujourd’hui au vélo, d’un point de vue scientifique?
C’est un domaine passionnant, aussi par son histoire depuis son invention il y a deux siècles, comme le montrent très bien les recherches de Frédéric Héran. D’abord instrument de loisir, le vélo est vite devenu un moyen de transport de personnes et de marchandises très populaire. Il a contribué à l’émancipation des femmes, des milieux ouvriers… avant de tomber en désuétude après la Seconde Guerre mondiale. Il revient aujourd’hui sur le devant de la scène. S’intéresser au vélo, c’est s’intéresser à sa relation avec de nombreux domaines, comme les émissions de CO2, le changement climatique, la pollution atmosphérique, les ressources énergétiques… dans tous ces domaines, le vélo a un rôle à jouer.

Le vélo est pour vous à la fois un objet d’étude et un outil de travail, voire un instrument de mesure…
Il permet de soulever des questions très diverses, et sur le terrain. Par exemple, sur l’aménagement des villes et des territoires qui a souvent été défini en fonction de l’automobile dès les années 1960… Cela permet de se rendre compte qu’il n’y a pas de manière «neutre» d’aménager le territoire. Et une prise de conscience sur les enjeux autour de l’allocation de l’espace. Aujourd’hui, les enjeux portent plus sur la qualité de vie, le fait de retrouver une ville «apaisée»… Mais c’est aussi l’occasion d’interroger certaines normes sociales: lors d’un cours de vélo pour adultes, une participante a demandé à obtenir une attestation. Elle voulait la joindre à sa demande de naturalisation, pour montrer qu’elle aussi pouvait faire des promenades à vélo avec ses enfants le week-end, «comme les Suisses».

Sur quoi portent vos dernières recherches?
Nous avons publié en 2019 une première grande recherche sur les usages du vélo, avec une visée assez large. Le sujet n’avait pas encore été abordé au niveau national, et de telles études restent très rares, y compris à l’étranger. 14’000 usagers ont répondu à notre questionnaire en ligne. Cela nous a permis de décrypter les pratiques du vélo dans diverses régions, dans leurs différentes dimensions, avec leurs contraintes et les problèmes rencontrés, comme dans les villes, où il faudrait développer plus d’infrastructures, où la cohabitation peut être compliquée avec l’automobile. Le vélo est une question politique. En Suisse, malgré un regain d’intérêt ces dernières années et des phénomènes de mode, la bicyclette ne représente encore qu’un faible pourcentage dans les trajets effectués: Genève est à 6%, Lausanne, ville en pente, à 2% seulement. En cinq ans, Zurich a toutefois doublé cette part pour atteindre 12% et d’autres villes comme Berne, Bâle et Winterthour dépassent les 15% mais c’est encore très peu par rapport à certaines villes en Europe du Nord, comme aux Pays-Bas ou au Danemark. Ce n’est pas seulement parce que là-bas les habitants «aiment le vélo», mais cela fait suite à des décisions politiques sur 50 ans: le vélo a permis de résoudre des problèmes économiques, de mobilité et de congestion du trafic automobile. C’est le cas à Copenhague, où plus de 60% des déplacements se font à vélo. Pour des questions d’économie, les autorités ont misé dès les années 1970 sur la création de voies cyclables, plutôt que le réseau routier ou la construction d’un métro, par exemple.

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