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Société

Intelligents, en ville et à la campagne

Aujourd’hui s’ouvre le Smart City Day: une autre approche de la société, basée sur la mise en réseau


 Gilles Labarthe

Gilles Labarthe

17 novembre 2020 à 02:01

Innovation » Ces vingt dernières années, le numérique a transformé en profondeur nos habitudes. Il nous a aussi habitués à travailler plus «en réseau», ne serait-ce que via les plateformes digitales et réseaux sociaux. Mais au niveau de la gestion de nos villes et communes, savons-nous vraiment utiliser à bon escient ces ressources et, surtout, opérer un changement de perspective? Quels points communs par exemple entre un nouveau système de covoiturage local au Locle, des aménagements urbains intégrant eau et végétation à Sion pour contrer les effets du changement climatique, et un programme de sensibilisation aux bonnes pratiques environnementales pour les entreprises à Ecublens?

Ces trois projets locaux sont soutenus par la Confédération et intègrent une approche innovante, celle des «smart cities»: des «villes intelligentes». Or, cette approche et son potentiel restent méconnus en Suisse, même si certaines villes comme Zurich et Genève figurent cette année encore dans la catégorie des 10 villes les plus smart et connectées au monde, selon le classement de l’International Institute for Management Development (IMD, Lausanne). En effet, il ne s’agit pas seulement de tirer parti de la numérisation de nos sociétés et du partage de données pour améliorer notre qualité de vie et notre économie. Ni de tout miser sur une coûteuse technologie high-tech. Ni de se limiter aux interventions urbaines.

L’édition 2020 du Smart City Day qui s’ouvre aujourd’hui – par visioconférence, en raison des mesures sanitaires – entend changer nos regards sur les potentiels de cette approche, à portée de tout le monde, et relever des nouveaux défis. Rendez-vous annuel, le Smart City Day a été d’abord lancé en 2014 par Innobridge Service (société de conseil en gestion de l’innovation basée au Parc de l’innovation de l’EPFL à Lausanne) pour offrir «une plateforme d’échange transversale qui fédère, pour les communes et les cantons de Suisse romande, l’ensemble des acteurs», soulignent les organisateurs. L’événement réunit chaque année des centaines de décideurs au niveau des communes et des cantons, des milieux économiques et académiques… pour mieux faire connaître et travailler ensemble autour de cette notion de «villes intelligentes». Les explications de Xavier Arreguit, directeur d’Innobridge.

Une des premières tables rondes d’aujourd’hui est consacrée à «Comment démarrer une démarche Smart City tout en intégrant le rural, le patrimoine et les traditions». Pourquoi?

Xavier Arreguit: Quand on parle de smart cities, la plupart des gens réagissent en pensant encore que cela signifie avant tout «technologie» et «grandes villes». Or, l’expression smart peut s’appliquer à tout type d’organisation, quelle que soit sa dimension. Smart signifie intelligent, mais aussi astucieux, adaptatif… L’approche smart, c’est développer une culture de l’organisation, du partage, de comment faire plus avec moins, comment devenir plus efficient. Dans les projets discutés, les petites communes aussi doivent surtout se demander: «Est-ce que ça peut nous être utile»? Puis, voir dans quelle mesure ces solutions peuvent être apportées, tout en faisant en sorte que les communes rurales puissent préserver leurs particularités locales, leurs traditions.

Parmi les partenaires de cette journée figurent plusieurs villes et communes de dimension modeste: Bienne, Monthey, Bulle, la commune genevoise de Bernex… quels types de problèmes cherchent-elles à régler?

Pour Bulle, il est beaucoup question de chercher à résoudre des problèmes de mobilité – comme un peu partout ailleurs en Suisse romande. Il y a aussi des projets qui ont mené à la création d’une association de transporteurs locaux. D’autres tentent de répondre à des demandes de consommation de produits alimentaires locaux, par exemple avec des semis de salades, en ramenant une part de l’agriculture dans les villes, en favorisant le mélange des espaces…

Un autre partenaire est l’association Légumes perchés, basée sur le campus de l’UNIL-EPFL, avec des projets d’agriculture urbaine jusque sur les toits des immeubles, mais aussi pour des communes: Préverenges, Saint-Sulpice…

L’important est de travailler en synergie, avec des résultats positifs, pour tous. Mais il faut aussi savoir se poser les bonnes questions. Comment se mettre ensemble pour imaginer et partager des solutions communes, des coopérations? Quels projets sont facilement transférables d’une localité à une autre? Et puis, il y a aussi une dose de compétitivité entre les communes elles-mêmes, qui cherchent à attirer des résidents par la qualité de vie…

Quels sont les principaux obstacles que vous rencontrez encore face à la popularisation de cette nouvelle approche?

Développer une démarche smart, ce n’est pas une question d’argent ou de nouvelles technologies. Cela demande un changement de culture et de gouvernance. La gestion d’une ville, d’une administration, d’une organisation quelconque, est complexe. Mais cela ne veut pas dire «compliqué». Face à un problème, les administrations ont tendance à vouloir en isoler les éléments, à les segmenter, à les traiter comme dans des silos distincts, attribués à différents départements de la ville… au lieu de les appréhender comme un système d’interactions. Notre éducation ne nous a pas assez enseigné à «penser global», à appréhender les systèmes. Et nous tendons à perdre de vue le côté organique du vivre-ensemble, de la communication. Or, la ville, ce sont les humains qui la font, pas seulement les constructions ni les infrastructures. Il faudrait privilégier la communication entre les différentes administrations, et avec leurs citoyens.

Patrick Janser/Unsplash

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