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Société

«Dépister, avant de tracer»

Les applications pour suivre le Covid à la trace questionnent notre rapport à la cybersurveillance étatique. Derrière ce débat très polarisé, un enjeu majeur: la place de l’humain face à la technologie


 Gilles Labarthe

Gilles Labarthe

12 mai 2020 à 20:21

Temps de lecture : 1 min

Numérique » «Pour ou contre» un système de traçage des personnes et de leurs déplacements, dans le cadre de la lutte contre la pandémie? A l’Institut de géographie de l’Université de Neuchâtel, le professeur Francisco Klauser a dirigé plusieurs programmes de recherche sur la problématique de la surveillance, des technologies dites «intelligentes», ou sur les implications du big data. Il souligne à quel point le débat actuel est polarisé, quitte à masquer la complexité des enjeux. Et invite à prendre le temps de bien réfléchir à la place de l’humain face à la technologie. Interview

Quand avez-vous commencé à étudier la surveillance?

Francisco Klauser: Mon intérêt pour la surveillance remonte à plus de 20 ans. Une de mes premières portes d’entrée dans ce domaine avait été d’étudier l’incidence de l’installation en Suisse de caméras de vidéosurveillance en milieu urbain. C’est un type de dispositif qui est relativement visible, physiquement présent, par rapport à d’autres technologies numériques: les gens peuvent voir qu’ils sont filmés. Quelles étaient les implications sociales, spatiales, par exemple en termes d’exclusion? Mes recherches ont ensuite porté sur les différents usages d’autres technologies plus spécifiques, comme les drones. Ou comme les smartphones, qui sont aujourd’hui un outil privilégié pour toutes sortes d’activités. Ils agissent comme des interfaces, aussi pour le contrôle de l’espace. Mais il faut éviter les débats trop polarisés, comme ceux auxquels on assiste aujourd’hui: en soi, ces technologies ne sont ni des «solutions miracle», ni des instruments de contrôle total pour Etat policier.

Le documentaire Tous surveillés (voir ci-dessous) rappelle cependant que la cybersurveillance a atteint un niveau inégalé en Chine…

J’ai vu ce film… et je dois dire qu’au niveau des technologies utilisées, il ne montre rien de nouveau. Mais c’est une bonne chose qu’il existe. Il nous rappelle que toutes nos activités génèrent des données, et nous devons être sensibilisés à l’usage qui peut en être fait. Cela pose le débat de ce qui est acceptable. Nous devons définir ce que nous voulons comme genre de société. Et ce que nous ne voulons pas.

A propos de risques, il y a une double tendance: d’un côté, avec le cumul de toutes les traces numériques laissées, la quantité de bases de données, et toutes les informations collectées, il faut rester attentifs au pouvoir que représente leur combinaison possible. De l’autre, qu’en est-il de l’automatisation de la surveillance? Les humains seuls ne parviennent plus à gérer une telle masse de données. Aujourd’hui, ce sont des algorithmes qui identifient des comportements à risque, effectuent le suivi et prévoient des réponses automatisées… c’est un autre problème, qui comporte également des risques d’erreur.

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