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Société

Dégoûts et des couleurs

La nouvelle exposition temporaire de l’Alimentarium nous confronte à nos pires répulsions. Yerk?

A votre table, ce bel alcool fermenté aux embryons de souris.

Gilles Labarthe

Gilles Labarthe

28 mai 2020 à 14:41

Temps de lecture : 1 min

Vevey » Luxe, calme et volupté: voilà l’impression qui se dégage au premier abord pour le visiteur déambulant à Vevey sur la belle promenade de la Riviera vaudoise, bordant le lac. Arrivé à la hauteur du quai Perdonnet 25, il peut admirer le somptueux bâtiment en calcaire jaune, construit dans les années 1920 comme premier siège administratif du groupe industriel Nestlé & Anglo-Swiss Condensed Milk Company. Classé monument historique, il abrite depuis 1985 un musée dédié à l’alimentation, l’Alimentarium. Derrière la belle façade néoclassique, c’est aujourd’hui une exposition temporaire savamment dérangeante qui viendra troubler vos sens: Beurk! Yuck! Igitt! The food we love to hate. Découverte des lieux avec la sociologue Laetitia Aeberli, conservatrice et médiatrice culturelle.

Pourquoi une exposition sur le thème du dégoût?

Laetitia Aeberli: Nous avions fait ce choix l’an passé, après avoir demandé aux visiteurs ce qui les intéresserait. C’est notre première exposition temporaire depuis 2016 et nous voulions lancer une démarche plus participative, avec entre autres une plateforme digitale. Le but est de dépasser le côté «madeleine de Proust et meilleurs souvenirs», pour que les gens s’interrogent de manière plus critique sur leurs habitudes alimentaires. Nous montrons ici que le dégoût a différentes origines et facettes: physiologiques, psychologiques… Pourquoi avons-nous des émotions de rejet aussi vives? D’abord par peur d’être intoxiqués. C’est un instinct de survie, face à ce qui sent mauvais, qui semble pourri… Il s’agit d’une peur très intime, puisqu’on incorpore les aliments, avec leurs défauts et leurs qualités, selon différentes croyances: manger des légumes rend faiblard, manger de la viande rend fort, etc.

Il y a quelque chose d’éminemment social et culturel dans la construction du goût et du dégoût…

Chaque société a mis des tabous par rapport à des aliments. Ils définissent nos identités et ce que nous excluons. Le dégoût a aussi des origines sociales, liées à des interdits religieux, comme l’interdiction de la viande de porc, de l’alcool… qui définissent le lien d’appartenance, de communauté… C’est également la peur de l’inconnu, avec des témoignages d’Occidentaux qui nous parlent de ce qu’ils ont mangé durant leurs voyages, par exemple en Asie, mais on ne voulait pas trop tomber dans cet exotisme-là, surtout en ces temps de pandémie, avec l’obsession du sanitaire donc nous n’avons pas mis de pangolin au menu.

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