Aude-May Lepasteur
17 août 2021 à 04:01
Avant de parler d’eux, parlons un peu de nous: quand je discute avec quelqu’un et que je remarque que cette personne a un cheni dans les cheveux, logiquement, je la préviens que je vais l’enlever avant d’avancer ma main. Elémentaire politesse. J’ai essayé sans. Ça ne se termine généralement pas très bien. Ce n’est pas pour rien qu’on parle désormais partout du consentement.
Quand la personne m’est particulièrement proche – mon conjoint, mes enfants –, rien besoin de dire, je peux y aller franco. Quand la personne m’est hiérarchiquement supérieure – ma cheffe, le grand chef –, je dois par contre mettre les gants (en vrai, je n’essaie même pas, ils n’avaient qu’à pas être chefs).
La politesse huile les rouages de nos sociétés. Elle évite que nous, humains, nous sautions à la gorge à la moindre interaction. Cet ensemble de signaux linguistiques et physiques permet aux plus habiles de maintenir une réputation impeccable, évite à leurs interlocuteurs de perdre la face, préserve des relations sociales pacifiées dans le temps. Et il semble que nous ne soyons pas les seuls à nous soumettre à l’exercice, même si parler de «politesse» chez nos cousins les grands singes, c’est forcément céder à la tentation de coller sur leur réalité un concept humain.
Des heures au zoo
Ce qu’ont remarqué Emilie Genty et son équipe, c’est que, comme les humains, les bonobos et les chimpanzés usent de signaux spécifiques pour amorcer ou rompre une activité. Emilie est chercheuse auprès de l’Institut de biologie de l’Université de Neuchâtel et collaboratrice scientifique au sein du pôle de recherche national Evolving Language. Quand elle était petite, elle était plutôt mammifères marins, mais les hasards de la vie font qu’elle est devenue primatologue. Comprenez qu’elle passe plein de temps à regarder des singes, que ce soit derrière la vitre d’un zoo ou dans la forêt, et qu’elle écrit des articles scientifiques avec beaucoup de mots compliqués en anglais. Comme le dernier, publié récemment dans la revue iScience et intitulé Assessing Joint Commitment as a Process in Great Apes.
Des signaux, quels signaux? Eh bien, des regards, des signes de la main, des postures, des expressions faciales. En gros, chez ces grands singes comme chez nous, mieux vaut prévenir l’autre que vous vous apprêtez à l’épouiller. «D’autres études avaient déjà révélé qu’une communication était mise en place pour initier une interaction. Nos recherches ont toutefois montré que des schémas de communication sont également présents dans le courant de l’activité et à son terme», raconte Emilie. Par exemple, quand l’activité est interrompue, les singes reviennent ensuite à leur partenaire et semblent «s’excuser» de l’interruption. Ou quand l’un des singes veut arrêter une activité, il informe son collègue qu’il est temps de terminer. «C’est la preuve qu’ils ont conscience de s’être engagés dans un projet commun et que cela comprend certaines obligations.»
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