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«Un changement de culture dans l’Eglise prendra du temps»

Mari Carmen Avila travaille à prévenir les abus sexuels et les abus de pouvoir dans le diocèse

Mari Carmen Avila, «Madame prévention» de l’évêché depuis fin 2022, travaille à instaurer une nouvelle culture au sein de l’institution. © Jean-Baptiste Morel

Patrick Chuard

Patrick Chuard

1 octobre 2023 à 17:30

Temps de lecture : 1 min

Eglise catholique
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«L’Eglise doit changer de culture pour prévenir les abus sexuels. Nous y travaillons sérieusement. Mais ce changement prend du temps», avertit Mari Carmen Avila. Membre du comité de gestion ad interim du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) pendant la convalescence de Mgr Charles Morerod (La Liberté de samedi), cette laïque consacrée de 63 ans a été nommée, en novembre dernier, représentante de l’évêque pour la prévention.

Les archives du diocèse LGF font apparaître environ 200 victimes ces dernières décennies. Selon un état des lieux provisoire, sur les 370 prêtres ou diacres en activité dans le diocèse, «36 cas sont jugés problématiques, 23 ont été signalés aux autorités pénales et 12 prêtres ont été sanctionnés par des mesures canoniques. Ces derniers jours, cinq victimes se sont manifestées et les dossiers sont en cours de révision», dit Mari Carmen Avila.

Cette spécialiste connaît bien le phénomène des abus en Eglise. De nationalité espagnole, née au Mexique, elle a prononcé ses vœux dans la Société de vie apostolique des consacrées de Regnum Christi, une branche de la famille spirituelle des Légionnaires du Christ. Un mouvement fondé par Maciel Degollado dans les années 1940. «Notre fondateur avait une double vie et il a eu des agissements criminels en se rendant coupable d’abus systématiques», dit celle qui est «restée fidèle au Christ dans le mouvement» en dépit du scandale qui a déferlé à partir des années 1990.

Mari Carmen Avila a été appelée par le Vatican avec cinq autres membres de Regnum Christi «pour éclaircir septante ans d’un passé terrible, rendu possible par l’omerta et le culte du secret, et refonder l’institution». Cette théologienne spécialiste du droit canonique et des problèmes d’abus a été engagée par Charles Morerod pour «l’aider à faire mûrir et continuer le travail de la prévention en cours dans le diocèse».

Facteurs favorisants

Le phénomène des abus en Eglise «est de nature systémique», considère Mari Carmen Avila. «Les auteurs d’abus ont des faiblesses humaines et affectives, c’est évident, mais il existe de nombreux facteurs favorisants. Dans l’Eglise, on est presque toujours dans un rapport asymétrique, dans des relations d’autorité morale, spirituelle et hiérarchique. L'individu, laïc ou clerc, qui a comme charge de guider, d’accompagner, de soigner, peut facilement vouloir contrôler l’autre sous prétexte de l’aider. L’abus spirituel et de pouvoir précède souvent l’abus sexuel. Et ce qui est monstrueux, c’est que la victime qui vient se confier, en raison de cette confiance, fait elle-même tomber toutes les barrières de protection. Dans ce contexte, commettre des abus est chose assez facile si celui qui a l’autorité ne l’exerce pas comme il faut.»

Code de conduite

Dès lors, «faire punir les auteurs d’abus, cette minorité de prêtres qui se conduit mal, et les mettre à l’écart n’est pas suffisant. Il faut prévenir», considère Mari Carmen Avila. «Pour le diocèse, nous sommes en train de développer une formation interne et obligatoire faisant appel à des experts. Elle sera axée sur l’anthropologie, la dignité de la personne et le respect de sa liberté. Un axe est l’ecclésiologie: quelle est la place du prêtre et du laïc, et comment sont-ils appelés à fonctionner dans une Eglise plus synodale et moins hiérarchisée. La psychologie et les phénomènes d’emprises sont également à considérer, entre autres disciplines.» Une formation supplémentaire, qui sera sanctionnée par un diplôme en partenariat avec l’Institut catholique de Paris, deviendra obligatoire pour tous les cadres du diocèse dès 2024.

Un code de conduite complétera la charte sur la prévention des abus, que chaque employé d’Eglise doit signer. «Les prêtres comme les laïcs engagés par l’Eglise doivent fournir un extrait et un extrait spécial de casier judiciaire. Cette demande est renouvelée tous les trois ans et à chaque nouvelle nomination», dit Mari Carmen Avila.

Pour les prêtres d’autres diocèses ou d’autres pays, des documents équivalents sont demandés et chaque dossier fait l’objet d’une vérification et d’entretiens. «L’évêque consulte le conseil de prévention et nous pouvons dire non. Nous le faisons parfois», précise Mari Carmen Avila qui parle d’une nécessaire «culture de la prévention».

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