Logo

Régions

«Nous sommes nombreux à avoir faim»

A Bluefactory, toujours plus de bénéficiaires affluent à des distributions alimentaires chaque dimanche


 Zoé Lüthi

Zoé Lüthi

31 janvier 2021 à 22:24

Solidarité » Distribuer des plats cuisinés: depuis le 20 décembre, c’est le programme dominical des bénévoles qui s’affairent au Neighborhub, la maison de quartier installée sur le site de Bluefactory à Fribourg. L’initiative, lancée par Isabelle Porras, stagiaire de la Haute Ecole de travail social de Fribourg, avait déjà attiré l’attention de La Liberté (28.12.20). Selon nos informations, la fréquentation des distributions est en hausse.

«Moi, je n’ai rien à perdre et rien d’autre à faire», déclare Jonathan Bugnon. Depuis la fin du stage d’Isabelle Porras, il porte le projet. Lui-même a perdu son emploi et son appartement au début de la crise sanitaire. Toutes ses démarches, il les lance depuis les canapés des amis qui l’hébergent.

Et le Fribourgeois ne ménage pas ses efforts pour rassembler les dons de nourriture, attirer l’attention des autorités et des médias, chercher des mécènes, faire passer le mot et, surtout, orchestrer la distribution du dimanche.

Fréquentation en hausse

Au début, ils étaient une quarantaine à se présenter. Maintenant, ils sont plus d’une centaine. De plus, certains viennent seuls chercher de quoi nourrir toute leur famille, il est donc difficile de dire exactement combien sont aidés par la distribution.

Munis de cabas et de leurs propres récipients, les gens forment une file d’attente avant 11 h. A 13 h, les étals vides sont rangés. «A chaque fois, ça me brise le cœur de devoir dire aux derniers qu’il n’y a plus rien», raconte Jonathan Bugnon.

Pourquoi sont-ils autant à venir? Est-ce tout simplement parce que la distribution est de plus en plus connue? Le bénévole est catégorique: «Nous sommes nombreux à avoir faim.» Martin Schick, manager culturel de Bluefactory, souhaite, lui, mieux comprendre les raisons de cette affluence. Et pour Jonathan Bugnon, partagé entre la satisfaction d’apporter son aide et le regret qu’elle soit nécessaire, la fin de chaque distribution est «aigre-douce».

Le projet était censé s’achever le 24 janvier. Il est finalement prolongé jusqu’à la fin février, au moins. Mais il ne pourra pas rester sur le site de Bluefactory indéfiniment. Pour qu’il se poursuive, il faut urgemment trouver un local et une cuisine (voir encadré ci-dessous).

Appels aux dons

C’est pour cela que Jonathan Bugnon va lancer une association. Est-ce faire les choses à l’envers? Il ne le voit pas de cette façon: «Il était impossible d’attendre: nous avons répondu à une urgence et maintenant il faut poser le cadre.» Il pourra donc bientôt s’adresser au service de cohésion sociale, mais aussi accepter les dons d’argent, qu’il refuse tant qu’il n’est pas en mesure de garantir une totale transparence.

Les dons alimentaires, en revanche, sont primordiaux. Si à ses débuts le projet fonctionnait grâce aux denrées invendues des commerces et des restaurants, depuis la fermeture de ces derniers il devient difficile de trouver assez d’aliments pour nourrir tout le monde. Les appels sur Facebook ont porté leurs fruits, mais devant le nombre de personnes précaires, ce n’est pas suffisant.

Cuisiner pour tous

Malgré cette difficulté, les distributions se passent bien. David, un cuisinier professionnel désœuvré à cause du Covid, prête désormais main-forte à l’opération. Il optimise l’utilisation des dons. «Dès le jeudi, je réfléchis aux recettes les plus complètes possible avec ce qu’il y a à disposition», explique celui qui encadre deux ou trois novices.

Jusqu’au week-end du 24, c’était au Neighborhub que les casseroles mijotaient. A la suite d’un problème technique, pour être certains d’être à la fois dans les normes et dans les temps, il a fallu trouver une autre cuisine. La Coutellerie, une maison de quartier située sur la rue de la Grand-Fontaine, s’est proposée, d’autant qu’elle a dû cesser toute activité pour respecter les mesures sanitaires.

Pour que tout le monde puisse les manger, mais aussi parce qu’on ne cuisine pas de viande à la Coutellerie, les mets sont végétariens. Afin que les gens ne consomment pas sur place, ils sont servis froids. D’autres produits sont aussi distribués. Avec l’aide de l’association Reper, environ 200 personnes ont ainsi reçu des sacs de denrées non cuisinées les 17 et 24 janvier. Mais le but premier est de servir des plats, pour que même ceux qui n’ont pas accès à une cuisine puissent manger convenablement.

La trentaine de bénévoles se divise le travail par groupes de cinq, dans le respect des mesures. Certains accueillent les bénéficiaires pour leur rappeler les consignes. Tout le monde est le bienvenu, précaires comme esseulés. Ici, donc, pas besoin de montrer patte blanche. «Trier les gens n’aurait pas de sens. En fonction de quoi? La précarité, ça ne se voit pas au premier coup d’œil», explique Jonathan Bugnon.

>>> Contact pour dons de nourriture auprès de Jonathan Bugnon au 079 588 33 50

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus