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Canton

Un demi-siècle de «petits miracles»

La Promotion économique fête ses cinquante ans. Rencontre avec le tout premier directeur et l’actuel

Jerry Krattiger (à gauche) et Guy Macheret ont tous les deux dirigé la Promotion économique du canton de Fribourg, le premier depuis 2019, le deuxième entre 1971 et 1985.

 Nicolas Maradan

Nicolas Maradan

17 mars 2023 à 02:01

Interview » Créée en 1971, la Promotion économique du canton de Fribourg fête, avec un peu de retard dû à la pandémie de Covid-19, son cinquantième anniversaire. Entretien avec Guy Macheret et Jerry Krattiger, qui ont tous les deux dirigé cette structure, le premier entre 1971 et 1985, le second depuis 2019.

Longtemps, Fribourg a tourné le dos à l’industrialisation. Puis, sous l’impulsion des conseillers d’Etat Paul Torche puis Pierre Dreyer, un virage vers le secteur secondaire a été opéré. C’est dans ce contexte qu’a été fondé en 1971 l’Office de développement économique du canton de Fribourg (ODEF), devenu la Promotion économique?

Guy Macheret (G. M.): Les débuts étaient très modestes. Nous étions deux personnes, votre serviteur et une secrétaire. Et d’emblée, il est apparu qu’il était important de faire parler du canton de Fribourg. Ce que nous avons fait avec un certain succès, puisque même la Neue Zürcher Zeitung a participé à la première conférence de presse que nous avons organisée. Assez vite, cela a suscité de l’intérêt, car notre démarche était novatrice en Suisse.

Jerry Krattiger (J. K.): Il y a eu la volonté politique de procéder à un rattrapage industriel. En ce sens, la création de l’ODEF était visionnaire. Et nous voyons, cinquante ans plus tard, que ce travail a eu un impact significatif. Aujourd’hui, nous constatons que le canton de Fribourg a notamment été très fort dans le maintien de ce secteur secondaire. Il y a des analyses montrant que Bulle fait partie des trois communes avec la plus grosse croissance d’emplois industriels du pays. Les autres parties du canton ne sont pas en reste avec le développement de sociétés telles que Richemont, Meggitt, Scott, Wago, Comet ou Johnson Electric.

Dans les années 1970, un événement majeur pour l’industrie fribourgeoise a été la visite à Bulle d’Hans Liebherr, entrepreneur allemand fondateur du groupe du même nom, actif notamment dans le secteur des engins de construction. Racontez-nous…

G. M.: En avril 1978, j’ai organisé un stand à la foire MUBA de Bâle. Entre autres visiteurs s’est présenté un avocat d’affaires qui se renseignait sur les terrains industriels pour le compte d’Hans Liebherr. Quelque mois plus tard, j’ai fait visiter à M. Liebherr des zones industrielles dans les différents districts. Il faut rappeler qu’à l’époque, l’autoroute venant de Hambourg s’arrêtait abruptement à Corpataux. Je lui ai dit que dans les quelques années à venir, elle irait jusqu’à Bulle. Et il m’a cru sur parole! L’entreprise Liebherr Machines Bulle SA a été fondée dans la foulée.

Quel est l’héritage de Pierre Dreyer, de Paul Torche et des pionniers de la promotion économique sachant que plusieurs emblèmes industriels qu’ils ont attirés dans le canton comme Ciba, Tetra Pak ou Milupa sont maintenant partis?

G. M.: Un bilan est fait d’actifs et de passifs. Là, vous citez les passifs. Mais le bilan de la promotion économique s’avère largement positif en matière d’emplois, et aussi de bien-être. En effet, est-ce que les infrastructures que le canton a pu financer auraient existé sans l’apport décisif de toutes ces entreprises? La question se pose.

J. K.: Il faut aussi mentionner une particularité fribourgeoise, c’est que quand il y a des coups durs, nous nous sommes toujours demandé ce que nous pouvions en retirer de positif. Par exemple, la fermeture d’Ilford a mené à la création du Marly Innovation Center. Et le départ d’Elanco a permis le développement du campus Agrico, à Saint-Aubin.

En 2018, le Grand Conseil a voté une révision de la loi sur la promotion économique prévoyant de mettre en place ou de renforcer plusieurs instruments: aides à fonds perdu, prêts d’amorçage, capital-risque. Quel bilan?

J. K.: Grâce à cette révision, nous avons pu être beaucoup plus percutants pour l’accompagnement et le soutien de projets. Ces nouveaux instruments nous ont aussi permis d’avoir une très belle performance ces trois dernières années en matière de création d’emplois. Les soutiens d’aide à l’innovation à travers des projets soutenus par Innosuisse (agence de la Confédération pour l’encouragement de l’innovation, ndlr) sont aussi allés en augmentant.

Le dernier gros coup du canton, c’est l’annonce de l’implantation du fabricant horloger Rolex à Bulle. D’autres arrivées de cette ampleur sont-elles à espérer ces prochaines années?

J. K.: Des projets d’une telle qualité et d’une telle dimension sont exceptionnels. Cela n’arrive pas tous les six mois. Ce qu’il faut aussi dire, c’est que beaucoup de projets ont commencé petits. A la base, Liebherr n’employait que 40 personnes à Bulle, contre 1300 aujourd’hui. Pareil pour UCB Farchim (société biopharmaceutique basée elle aussi à Bulle, ndlr), qui n’était au début qu’un bureau de vente avec une demi-douzaine de personnes. Aujourd’hui, nous en sommes à plus de 500 collaborateurs. Enfin, il faut rappeler que Fribourg dispose d’un tissu économique varié avec de grandes entreprises, mais aussi beaucoup de PME et de start-up. C’est ce qui fait toute sa richesse.

G. M.: L’annonce de l’implantation de Rolex survient plus de 44 ans après l’arrivée de Liebherr. A l’époque, Bulle et La Tour-de-Trême ne comptaient que 10 000 habitants. Aujourd’hui, cela dépasse 26 000 habitants. C’est une évolution assez incroyable, avec des retombées pour toute la région. Ces implantations d’entreprises tiennent à de petits miracles, et tout le monde en bénéficie.

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