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Canton

Eric Collomb. «Nous avons grillé trop de carrières»

Coprésident sortant du PDC fribourgeois, il livre son regard sur le lent déclin de son parti

Pour le député Eric Collomb, le PDC doit souvent faire le grand écart entre sa frange de centre gauche et son aile droite.

 Nicolas Maradan

Nicolas Maradan

5 février 2020 à 18:40

Politique » L’entrepreneur et député broyard Eric Collomb quitte le comité directeur du Parti démocrate-chrétien (PDC) fribourgeois après quatorze ans passés au sein de sa présidence comme vice-président, président par intérim et, depuis l’été 2018, coprésident aux côtés de Markus Bapst et Marie-France Roth Pasquier. Il analyse l’inexorable érosion du parti qui a forgé l’histoire du canton de Fribourg, marqué par la récente défaite du sénateur Beat Vonlanthen face à la libérale-radicale Johanna Gapany.

Les élections fédérales de 2019 ont marqué un nouveau palier dans le déclin du PDC fribourgeois. Il a perdu le siège qu’il occupait depuis 1857 au Conseil des Etats et ne pèse plus que 17,8%, deux fois moins qu’il y a vingt ans. Où est le problème?

Eric Collomb: La tendance est à la polarisation de la politique. Et les positions du PDC, plus argumentées, qui demandent à être expliquées davantage, sont moins entendues. Ce qui marche, ce sont les arguments faciles et tranchants, rapidement compréhensibles par les citoyens. Il y a aussi un fossé toujours plus important entre la gauche et la droite. Et le PDC doit faire le grand écart entre sa frange de centre gauche, avec des gens qui défendent par exemple un congé-paternité d’un mois, et son aile droite, qui ne veut pas entendre parler de ce congé-paternité.

« Le PDC croit encore qu’il peut gagner les élections sans faire de militantisme »

Eric Collomb

Durant la seconde moitié du XXe siècle, les démocrates-chrétiens ont souffert de la tertiarisation de l’économie ainsi que de la déchristianisation de la société. Aujourd’hui, quels sont les facteurs de cette érosion?

Notre électorat de base, chrétien, continue de s’éroder. A cela s’ajoute le fait que notre parti s’est trop reposé sur ses lauriers. Le PDC croit encore qu’il peut gagner des élections sans faire de militantisme, sans se mobiliser ni descendre dans la rue pour récolter des signatures. Un autre problème, c’est notre cheval de bataille, à savoir la famille. Bien sûr que ce thème est toujours important. Mais il ne permet plus de gagner des élections. Aujourd’hui, le schéma familial prend tant de formes différentes qu’il n’est plus possible de traiter cette thématique de manière globale.

Alors comment faire pour se réinventer?

Nous devons nous profiler sur d’autres thèmes, comme le climat, les retraites ou la santé. Surtout, nous devons reprendre la main sur le thème de l’économie. Ce qui ne signifie pas prendre un virage à droite. Je ne parle pas de suivre la ligne d’Economiesuisse, je parle d’œuvrer en faveur des petites et moyennes entreprises (PME), en faveur du tissu économique local. Mais, aujourd’hui, beaucoup d’entrepreneurs estiment qu’ils ne sont plus défendus par le PDC.

Il y a aussi un saut de générations. Qui pour succéder aux grands noms du PDC fribourgeois comme Joseph Deiss, Isabelle Chassot, Urs Schwaller ou Dominique de Buman?

Effectivement, il n’y a plus de tête qui dépasse et qui serait capable de gagner une grosse élection. Encore une fois, nous nous sommes trop reposés sur nos lauriers. C’est comme si nous étions une équipe de foot qui avait remporté dix fois le championnat en alignant les mêmes joueurs sur le terrain. Aujourd’hui, la relève manque.

Au Grand Conseil, le PDC est par exemple le seul parti à ne compter aucun représentant de moins de 40 ans…

Et pourtant, la relève PDC compte de nombreux talents. Mais il faut leur faire de la place, notamment sur les bancs du Grand Conseil. Sur nos listes, nous avons beaucoup de viennent-ensuite très intéressants pour l’avenir du parti à qui nous n’ouvrons jamais la porte.

Des élus s’accrochent donc à leur siège?

Oui, et nous avons trop souvent grillé des carrières. S’il y a, dans les autres partis, des gens de moins de quarante ans qui commencent à s’affirmer, par exemple les députés Romain Collaud au PLR ou Grégoire Kubski au PS, ce n’est pas un hasard. Les jeunes ne sont pas seulement là pour porter les bidons et coller des affiches. Un jour, il faut aussi leur donner leur place sur ces affiches.

Le Parti démocrate-chrétien n’est pas assez stratège?

Il est stratège au niveau de sa direction. Mais la stratégie qui a été mise en place pour les élections fédérales de 2019 n’est pas celle qui a été acceptée ensuite. Aujourd’hui, mon regret est de ne pas avoir pu tenir la ligne fixée par le parti. Et passer de la génération dorée à la génération montante ne se fera pas en deux ou trois ans. J’espère néanmoins que la récente élection de Damiano Lepori (29 ans) à la présidence du parti permettra de faire émerger cette relève.

Avec le recul, estimez-vous que vous allier avec le PLR et surtout avec l’UDC en 2013 et en 2016 était une erreur?

Grâce à cette alliance, nous avons gagné l’élection complémentaire au Conseil d’Etat en 2013 en faisant élire Jean-Pierre Siggen face au socialiste Jean-François Steiert. Et ça a de nouveau fonctionné pour nous lors des élections générales de 2016 (élections des trois candidats PDC au premier tour, ndlr). Avec du recul, je dirais qu’une alliance avec les libéraux-radicaux est cohérente. Par contre, élargir cette entente à l’UDC est devenu quelque chose d’impossible. Plus personne ne sera d’accord avec ça.

L’entente avec l’UDC a contribué à brouiller encore plus la ligne du PDC?

Cela n’a pas aidé, effectivement. Nous faisions déjà le grand écart entre la gauche et la droite, et là nous nous sommes déchiré l’aine. Mais encore une fois, sans cette entente, Jean-Pierre Siggen n’aurait jamais été élu.

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