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Les collectionneurs

Monsieur le syndic de Moulinsart

Pierre-Alain Clément, l’ancien syndic de Fribourg, possède plus de 7000 bandes dessinées

Pierre-Alain Clément, ancien syndic de Fribourg, lit des bandes dessinées avec un plaisir intact.

 Patrick Chuard

Patrick Chuard

7 juillet 2020 à 04:01

Collectionneurs 1/7 » La Liberté vous fait visiter les jardins secrets de Fribourgeois passionnés. Amateurs de choses rares ou d’objets qui les font simplement vibrer.

Parlez-lui de Gil Jourdan et il s’exclame: «Ah oui! c’était avec Libellule et l’inspecteur Croûton!» Evoquez Tif et Tondu et il vous décrit la comtesse Amélie d’Yeu. Il connaît tous les habitants du village d’Astérix. Et, par cœur, les scénarios de chaque aventure de Tintin. Page après page, case après case. On ignorait Pierre-Alain Clément à ce point amateur de bandes dessinées. L’ancien syndic de Fribourg en possède 7187 exactement, selon son catalogue informatisé. L’équivalent d’un garage entier et de plusieurs dizaines de mètres de rayonnages dans son appartement de Beaumont. Ne cherchez plus, mille sabords, on a trouvé le syndic de Moulinsart!

«Vous avez ici le fruit de bientôt cinquante ans d’achats. Toujours des séries que je complétais au fur et à mesure. Disons que je suis un client historique de la librairie La Bulle», sourit Pierre-André Clément, intarissable à citer ses héros préférés, de XIII à Chlorophylle, de Spirou à Nestor Burma. «Ce que j’aime, c’est la bande dessinée franco-belge et spécialement la ligne claire.» Il a suivi certaines séries au fil des décennies, mais a interrompu depuis longtemps Ric Hochet et Astérix, «hélas pas très bon sans Goscinny». Il en a suivi de plus récentes. Mais son vivier de héros, c’est ce qu’on lisait au siècle dernier dans les journaux Spirou et Tintin.

Lui Astérix, elle Gaston

«Quand on s’est rencontrés en 1973, chacun avait ses séries complètes, lui c’était Astérix et Tintin et moi Lucky Luke et Gaston Lagaffe», explique son épouse, Francine Clément. Elle aussi a gardé de l’intérêt pour ce moyen d’expression, et il lui arrive encore d’en lire souvent. Une façon de rester jeune? «Non, cela n’a rien à voir, assure Pierre-Alain Clément. J’ai enseigné pendant vingt-sept ans au cycle d’orientation avant de faire de la politique, et la proximité avec les jeunes a joué un bien plus grand rôle.» La bande dessinée, dit-il, «c’est savoir apprécier une histoire autrement que par le texte. Il faut que le scénario tienne la route, que le dessin accroche et que le mélange soit idéal. La bande dessinée est un art aussi noble que les autres. Cela dépasse de très loin les gags de Rantanplan!»

Pierre-Alain Clément possède des pièces rares. Des albums de Reiser et de Hugo Pratt dédicacés. «Je n’ai jamais fait la chasse aux dédicaces, il faut attendre pendant des heures.» Il nous fait voir quelques premières éditions, épuisées depuis longtemps, à faire saliver un bouquiniste. Il a fait relier la collection complète du journal BD, lancé par Cavanna et paru entre 1977 et 1978. Il adore l’esprit de Charlie Hebdo. «Je me suis abonné en 2015, après l’attentat.»

Plus loin, on avise des figurines de l’univers Tintin: l’ancêtre du capitaine Haddock vociférant, Alcazar lançant un couteau ou le contrebandier Allan servant du vin. Depuis quelques années, Pierre-Alain Clément s’est mis à faire des maquettes: il vient d’assembler le bateau La Licorne.

Mortimer admiré

Quel personnage de BD aurait-il aimé rencontrer dans la vraie vie? «Philip Mortimer. Il a sauvé le monde, c’est le prototype même du savant humaniste que j’admire dans la vraie vie.» Au fait, dites-nous, Monsieur le syndic de Moulinsart, êtes-vous toujours pour la fusion du Grand Fribourg? L’union fait-elle la force, comme dans La patrouille des castors, ou est-il préférable de conserver le petit village d’irréductibles, comme dans Astérix? «Ah non, je reste un partisan résolu de la fusion, même si certains élans s’essoufflent un peu», répond-il très sérieusement. Tout en précisant que la bande dessinée n’a pas influencé sa vision du monde.

Le socialiste n’y voit pas non plus de politique: «Les histoires sont souvent morales mais rarement politiques. Et il arrive quelquefois que les méchants gagnent.» Lui, il avait choisi son camp: «Quand je suis entré en politique, c’était pour faire quelque chose que j’estimais bien.» Il continue de s’engager dans plusieurs associations et préside notamment le Radeau, centre d’accueil pour les personnes souffrant d’addictions.

Qu’est-ce que Pierre-Alain Clément lira ce soir? Peut-être un vieux Jessica Blandi ou un XIII, série dans laquelle il vient de se replonger. Ou alors la suite de La vie des douze césars, de Suétone, qui trône sur la table. Même après soixante ans de BD, on peut lire des livres sans illustrations.

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Canton

Pierre-Alain Clément possédait plus de 7000 BD

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