Le sénateur fait mieux que le président
Malmené par la chute du PS au National, Christian Levrat peut faire valoir son travail au Conseil des Etats
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Philippe Boeglin
30 octobre 2019 à 20:41
Portrait » Sa casquette de président de parti a dû tout à coup peser bien lourd. Le 20 octobre dernier, Christian Levrat a assisté, avec «un œil qui pleure», à la douloureuse dégringolade du Parti socialiste suisse lors des élections au Conseil national, soldées par un reflux de deux points et un score historiquement bas de 16,8% à l’échelle nationale. De quoi (re)lancer les hypothèses entourant son départ de la présidence l’année prochaine.
Dans ce contexte difficile, le Fribourgeois a pu se consoler avec son second couvre-chef. Le premier tour du scrutin pour le Conseil des Etats l’a vu virer en tête dans son canton, avec 36 958 voix et une avance confortable sur ses poursuivants directs, Beat Vonlanthen (pdc, 23 316 voix) et Johanna Gapany (plr, 19 534 voix).
La population fribourgeoise a de toute évidence apprécié son travail de représentant cantonal, qui caractérise un mandat au Conseil des Etats. Lorsque les intérêts cantonaux et ceux du PS se contredisent, le Gruérien privilégie les premiers. «Cela se voit lorsque la politique agricole est en jeu», illustre un camarade. Récemment, le socialiste a aussi priorisé la carte cantonale plaidant pour que le prix d’achat des futurs avions de combat soit compensé à 100% via des commandes à l’industrie suisse, de sorte que les entreprises romandes aient leur part du gâteau. «Il est très fiable pour défendre le canton», confirme un connaisseur de la députation fribourgeoise à Berne, qui n’hésite pas à le qualifier de «primus inter pares, de véritable moteur».
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Christian Levrat compte parmi les parlementaires les plus influents; c’est un constat largement partagé à Berne. Sens stratégique, finesse politique, connaissance des dossiers, position privilégiée de président du deuxième parti de Suisse… l’homme possède plusieurs cordes à son arc.
On lui prête aussi de l’autoritarisme et un côté «Roi-Soleil», dans certains pans de son parti. «J’estime au contraire avoir un style de conduite assez participatif, rétorque-t-il. La présidence du PS, qui comprend une majorité de femmes, se réunit souvent et traite de nombreux dossiers et questions. J’ai en outre toujours veillé à impliquer tous les courants du parti et à recueillir les avis sur une base large.»
Homme fort, animal politique, Christian Levrat s’est constitué d’«énormes réseaux» – dixit un compagnon de route – qui lui assurent un accès régulier aux conseillers fédéraux, aux hauts fonctionnaires, aux syndicats, aux fédérations économiques. Des liens d’intérêts directs, il n’en a que deux, l’Association des locataires et l’Œuvre d’entraide ouvrière. Il préfère tisser sa toile et ne mise pas sur les interventions parlementaires. «Ce qui compte à mes yeux, ce sont les résultats.» Il n’a déposé qu’une motion durant la législature, pour que les réseaux sociaux de type Facebook créent une représentation en Suisse afin de faciliter les poursuites pénales.
Lorsque les intérêts cantonaux et ceux du PS se contredisent, il privilégie les premiers
Dans les combats menés en faveur du canton, les résultats ont alterné le bon et le moins bon. Au rang des succès, le nouveau site Agroscope à Posieux, destiné à concentrer la recherche agricole, ramènera quelque 450 emplois supplémentaires. Une réalisation obtenue grâce au travail d’équipe des élus fribourgeois au Parlement fédéral, dont Christian Levrat, qui ont rattrapé une situation périlleuse, puisque Fribourg a failli tout perdre.
Le sénateur a aussi mis la main à la pâte, notamment avec son partenaire Beat Vonlanthen, pour améliorer la ligne de train Lausanne-Fribourg-Berne. Avec d’autres parlementaires du canton, il est intervenu pour assurer le maintien du site de l’Office fédéral des routes à Estavayer-le-Lac.
Dans la catégorie des déconvenues, on retrouve l’importantissime péréquation financière, ce mécanisme qui assure des paiements solidaires des cantons «riches» aux cantons «pauvres», dont Fribourg. La dernière réforme en date va faire perdre 150 millions de francs au canton jusqu’en 2025.
Côté fribourgeois, on invoque un rapport de forces inégal face à la forte pression des cantons donateurs. «Nous avons sauvé l’essentiel et amélioré le projet présenté par le Conseil fédéral, dans l’intérêt de Fribourg. Le risque existait de voir remis en question le mécanisme des cas de rigueur notamment, dont bénéficie Fribourg, qui était visé de manière latente par les cantons riches. Le Conseil d’Etat a souligné à plusieurs reprises le rôle positif joué par la députation sur ce dossier», argumente Christian Levrat.
Autre expérience pénible, le clap de fin vécu par l’entreprise Billag, qui prélevait la redevance radio-TV. Difficile à éviter, face à une Doris Leuthard en tenue de combat en prévision de la votation «No Billag».
Président du PS suisse, Christian Levrat a aussi pesé sur les grands dossiers nationaux. A la clé, une victoire sans appel dans la mise en œuvre de l’initiative UDC «Contre l’immigration de masse». Dans la réforme fiscale des entreprises, il peut se targuer d’avoir mené la gauche rose-verte vers un succès cinglant en référendum contre la première mouture RIE III, avant de jouer les premiers rôles dans la seconde version, la RFFA, adoubée par le peuple.
A l’inverse, Christian Levrat a essuyé avec ses alliés du PDC une défaite sèche dans la Prévoyance vieillesse 2020, la réforme des retraites, dont l’une des causes réside dans l’exclusion des libéraux-radicaux. «Il est vrai que l’exclusion du PLR n’était pas judicieuse. Mais il faut bien voir que, au moment des débats parlementaires, le PLR jouait le match retour de la RIE III, voulait sa revanche et ne voulait pas être intégré à quoi que ce soit.»
Bio express
1970: Naissance à La Tour-de-Trême. Marié, 3 enfants.
2000: Election à l’Assemblée constituante du canton de Fribourg.
2003: Election au Conseil national à Berne.
2008: Accession à la présidence du Parti socialiste suisse.
2012: Election au Conseil des Etats.
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