L’antenne modifiée sans bénédiction
Un permis a été délivré pour adapter l’antenne du clocher à la 5G, malgré un couac de signatures
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Charles Grandjean
1 novembre 2020 à 22:02
Châtel-Saint-Denis » Un permis de construire délivré en septembre autorise implicitement Swisscom à installer la 5G dans le clocher de l’église de Châtel-Saint-Denis. Aucune opposition n’est apparue lors de l’enquête publique, alors que le déploiement de cette technologie engendre habituellement des salves d’oppositions dans le Sud du canton, qui plus est quand il s’agit d’un édifice public. A-t-on voulu dissimuler l’information à la population? La question taraude la Glânoise Chantal Blanc, qui milite contre la technologie 5G. La Liberté a tenté d’y voir plus clair.
«Quand je me suis renseignée auprès de la commune de Châtel concernant la mise à l’enquête 5G située aux Misets (parue dans la Feuille officielle du 25 novembre, ndlr), j’ai appris par hasard qu’un permis 5G était sur le point d’être délivré à Châtel. Je ne savais pas où, mais j’ai tout de suite soupçonné que cela pouvait concerner la paroisse, relate Chantal Blanc. Durant dix jours, j’ai essayé d’avoir plus d’infos, en vain, auprès de la paroisse, de la commune et de la préfecture, avec comme argument que je n’étais pas opposante et que le dossier était clos.» Publiée dans la FO du 2 août 2019, l’annonce en question évoque une «nouvelle installation de communication mobile pour le compte de Swisscom» au chemin de l’église 31.
Signatures introuvables
La Liberté s’est rendue au Service des constructions et de l’aménagement (SECA) pour consulter le dossier papier de cette mise à l’enquête. Curieusement, la page 4 du formulaire de requête, dévolue aux signatures du requérant, de l’auteur des plans et du propriétaire, est vierge. Le dossier contient en revanche tous les préavis des différents services, dûment signés, ainsi que les données techniques produites par l’opérateur téléphonique. Auprès du conseil de paroisse, le responsable des bâtiments Léon Roche avoue ne pas se souvenir d’avoir dû signer des documents. «Swisscom nous a dit: tous les dossiers que vous recevez, vous les envoyez chez nous», explique-t-il.
«Les églises ne sont pas des bâtiments à but lucratif»
Trouverait-on une trace de ces signatures ailleurs? Auprès de la préfecture, on ne conserve que l’autorisation du permis, nous répond le préfet de la Veveyse, François Genoud. Quant à la commune, elle ne conserve qu’une copie du formulaire, dont la page 4 est également vierge. Il en va de même sur la plateforme Fribourg autorisation de construire (FRIAC) qu’a consulté le préfet pour nous répondre. Comment le SECA explique-t-il dès lors qu’un permis ait pu être validé puis délivré sans signatures? «Ce que vous avez consulté, ce sont les copies du dossier qui sont extraites de l’application FRIAC et dans FRIAC, les fiches de requête ne sont pas signées. Pour ce dossier précis, il n’y a encore rien dans les archives du SeCA, l’original est donc encore certainement toujours à la préfecture», répond Corinne Rebetez, porte-parole de la Direction de l’aménagement, de l’environnement et des constructions.
Ce défaut présumé de signatures rappelle d’ailleurs un précédent qui s’est produit à la paroisse de Mézières (La Liberté du 29 juin), dont le président cherche aujourd’hui à faire annuler l’accord passé entre la paroisse et Swisscom, pour vice de forme. Les motifs avancés: la non-conformité avec les directives de la corporation ecclésiastique stipulant deux signatures de la part de la paroisse et le fait que le projet qui implique une location n’avait pas été soumis à l’assemblée.
Au sein du conseil de paroisse de Châtel-Saint-Denis, il n’a en revanche pas été jugé nécessaire de discuter l’objet de la mise à l’enquête en assemblée. «C’était tout simplement une modification de l’antenne, justifie Léon Roche. Il s’agissait à l’époque d’une modification de la 4G.» Le conseiller paroissial reste d’ailleurs persuadé à ce jour qu’il n’y a pas de 5G dans le clocher (lire sous-article).
Mise en garde du clergé
Le sujet des crispations autour des antennes de téléphonie mobile dans les clochers d’église interpelle d’ailleurs le conseil presbytéral du Diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. Cet organe constitué de prêtres pour épauler l’évêque a émis, en décembre dernier, une note diffusée à l’attention des paroisses et intitulée «A propos des installations d’antennes».
Rappelant l’absence d’unanimité quant à l’impact des antennes de téléphonie mobile sur la santé, le conseil presbytéral en appelle à un «discernement attentif» quant aux bienfaits mais aussi aux problèmes qu’apporte la technologie. «Les considérations financières sont certes importantes, notamment pour les paroisses pauvres, mais elles sont de nature à diviser», poursuit le message, qui souligne que «les églises ne sont pas des bâtiments à but lucratif». Le conseil presbytéral pointe aussi le risque que la présence d’une antenne n’engendre une diminution de la valeur des terrains attenants. Pour parvenir au constat que «dans ces conditions, l’installation d’une antenne provoquerait inévitablement des tensions entre les paroissiens et les voisins». Puis de conclure que «l’installation d’antennes nous semble impliquer de sérieuses difficultés, et nous le disons dans le respect des compétences des conseils paroissiaux».
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