Il invite Fribourg à s’affirmer bilingue
Journaliste singinois établi à Berne, Rainer Schneuwly compare les bilinguismes fribourgeois et biennois
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Marc-Roland Zoellig
11 juillet 2019 à 19:46
Publication » Ce n’est pas un hasard si Rainer Schneuwly se passionne pour le bilinguisme. Bourgeois de Fribourg, il a grandi à Wünnewil. Adolescent, il a fait partie de la sélection cantonale fribourgeoise de football. Devenu journaliste dans les années 1990, il a couvert l’actualité de la ville de Fribourg pour les Freiburger Nachrichten. Après un passage au Bund, il a été engagé par le bureau bernois de l’Agence télégraphique suisse (aujourd’hui Keystone-ATS), il s’est frotté à maintes reprises aux particularités culturelles et politiques de la ville de Bienne. Depuis toujours, il évolue dans des environnements où le français et l’allemand se côtoient, cohabitent parfois, avec plus ou moins de bonheur.
« Les autorités n’osaient pas affirmer le blinguisme vis-à-vis de l’extérieur »
Rainer Schneuwly
Aujourd’hui, Rainer Schneuwly sort Bilingue, un livre issu de ses recherches et de ses entretiens avec diverses personnalités fribourgeoises et biennoises, mais aussi de son expérience personnelle. Son constat: la métropole horlogère bernoise assume globalement mieux son bilinguisme que la cité des Zaehringen, pourtant capitale d’un canton faisant figure de seul Etat européen basé depuis toujours sur une ville bilingue, d’après l’historien Ernst Tremp, cité dans l’ouvrage.
Renouveau bilingue
Ce constat, Rainer Schneuwly le nuance toutefois au fil de ses pages, saluant notamment l’évolution intervenue ces dernières années sur les bords de la Sarine. «Le renouveau au sein du Conseil communal de Fribourg a certainement joué un rôle», explique-t-il à son domicile de Hinterkappelen, dans la banlieue de Berne. «Lorsque je travaillais aux Freiburger Nachrichten, le syndic de l’époque, Dominique de Buman, a toujours montré de l’intérêt pour les Alémaniques et faisait l’effort de parler l’allemand avec nous. Mais d’une manière générale, les autorités n’osaient pas affirmer le bilinguisme de Fribourg vis-à-vis de l’extérieur.»
Une constatation encore en partie valable aujourd’hui d’après le journaliste singinois, bien que Fribourg ait un syndic bilingue en la personne de Thierry Steiert. Interrogé dans le livre de Rainer Schneuwly, celui-ci y évoque d’ailleurs les «vieux démons» qui pourraient, selon lui, resurgir si les autorités de la ville décidaient de proclamer le bilinguisme de Fribourg. «Des considérations de politique intérieure expliquent sans doute en partie cette réticence», estime le journaliste.
L’enjeu minoritaire
La force de frappe des adversaires du bilinguisme fribourgeois a toutefois grandement diminué avec l’apparition d’une nouvelle génération plus ouverte sur la diversité. On est aujourd’hui loin de l’activisme de la Communauté romande du Pays de Fribourg (CRPF), un groupuscule désormais disparu des radars et dont certains membres, l’ex-conseiller d’Etat Denis Clerc en tête, s’illustraient dans les années 2000 par des propos hostiles à la minorité alémanique qui auraient aisément pu être qualifiés de xénophobes s’ils ne visaient pas des compatriotes…
D’après Rainer Schneuwly, de telles positions, aujourd’hui marginales dans le discours public, peuvent toutefois s’expliquer par le contexte démographique. «A Bienne, comme sur le plan suisse, la majorité est alémanique et montre de la tolérance pour la minorité. A Fribourg, cette proportion est inversée. Le sentiment d’être minoritaire au niveau national peut accentuer, chez certains, l’idée qu’il faut se défendre.»
L’exemple Gottéron
Le journaliste se garde toutefois d’endosser le rôle du chantre d’un prétendu idyllique modèle biennois. Il en évoque d’ailleurs aussi les failles, révélées dernièrement par la polémique concernant la pose de panneaux routiers principalement en allemand sur le contournement autoroutier de l’A5, ou par la scission du Parti socialiste de Bienne en deux sections linguistiques.
Il se réjouit aussi des avancées récentes du bilinguisme fribourgeois, concrétisées notamment par la rédaction en deux langues du site internet officiel de la ville (longtemps monolingue) et de son bulletin d’information 1700. Et surtout par la pose, en 2012, d’un panneau bilingue à la gare, sans que cet acte hautement symbolique ne provoque le moindre frémissement d’une prétendue «guerre des langues» prophétisée en son temps par la CRPF.
Lire aussi » La gare de Fribourg affiche son bilinguisme (22.08.2012)
Pour aller encore un peu plus loin, Rainer Schneuwly invite le HC Fribourg-Gottéron, qui porte haut l’image de la ville et du canton dans toute la Suisse – et dont il est un fervent supporter –, d’adopter à son tour une appellation bilingue. «Cela permettrait aux Zurichois et aux Bâlois de constater enfin que Fribourg n’est pas une ville uniquement francophone.»
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