Gesa paiera l’électricité économisée
Le distributeur gruérien veut récompenser les gros consommateurs qui se rationneront cet hiver.
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Stéphane Sanchez
16 septembre 2022 à 04:01
Energie » La pénurie d’électricité est-elle un risque ou une réalité? La réponse dépendra des efforts de chacun, répondait hier Gruyère Energie SA (Gesa) devant une soixantaine d’entrepreneurs, de représentants des communes et d’invités de la Fédération patronale et économique. Mais la pénurie d’électricité pourrait être plus sûrement écartée si de gros consommateurs épaulaient les distributeurs, en réduisant leur demande cet hiver. Claude Thürler, directeur de Gesa, présentait donc à l’assistance un modèle d’incitatif qui sera proposé à ses clients d’ici à la fin octobre, sous réserve de l’approbation du conseil d’administration de Gesa. Pour faire court: le distributeur est prêt à payer pour les kWh qui ne seront pas consommés.
L’offre s’adresse à environ 150 entreprises, communes ou institutions qui utilisent plus de 100 000 kWh par an et ont opté pour le marché libre, aujourd’hui hystérique. L’idée? Proposer à ces clients une rétribution financière – une «récompense» – pour les économies qu’ils réaliseront en janvier, février ou mars 2023, période jugée critique.
Facture parfois effacée
150
entreprises concernées
Sur quelle base? Le distributeur quantifiera d’abord l’économie que chacune de ces entreprises aura réalisée, en janvier, février ou mars 2023, et la comparera à la consommation médiane du même mois depuis 2018 (2021 excepté car perturbé par le Covid). Si l’économie réalisée dépasse 10%, Gesa versera à l’entreprise, pour chaque kWh épargné, un pourcentage du prix moyen pratiqué sur le marché du gros durant le mois 2023 correspondant. Passé 10% d’économie, l’entreprise recevra 30% de ce prix moyen. Au-delà de 50% d’économie, ce taux atteindra 50% du prix moyen.
Le client devra bien sûr s’acquitter de la part qu’il aura bel et bien consommée (y compris, cette fois, l’acheminement et les taxes). Mais selon l’économie réalisée et les prix du marché, la «récompense» touchée pourrait réduire notablement cette ardoise. Gesa est même prête à facturer un total négatif à ses clients les plus zélés.
Eviter l’économie forcée
«On n’aurait encore jamais osé imaginer cela, il y a une semaine encore»
Claude Thürler
«C’est un mécanisme incitatif qui à ma connaissance n’existe pas, sauf pour les centrales de réserve. On n’aurait encore jamais osé imaginer cela, il y a une semaine encore», note Claude Thürler. «Nous prenons un risque, mais l’énergie économisée ici nous permettra d’approvisionner les autres clients et de passer l’hiver sans encombre. Cela contribuera à éviter la pénurie et à maintenir notre réseau pleinement actif. C’est notre mission.»
Les prix du marché n’incitent-ils pas déjà à l’efficacité et aux économies d’électricité? «Pas pour certains clients sur le marché libre qui ont passé contrat lorsque les cours étaient favorables. Et, avec cet incitatif, d’autres pourraient songer à réduire leur volume de production, couper certaines lignes, décaler leurs jours de production ou planifier des vacances.»
Le distributeur gruérien invite de toute façon les gros consommateurs à se préparer à de telles mesures, dans l’éventualité d’un contingentement forcé par la Confédération. «Si cette éventualité se produit, les distributeurs perdront la main sur les tarifs, et il n’y aura plus d’économies récompensées: elles seront obligatoires. Il faut vraiment l’éviter.»
Le délestage qui fait peur
Gesa souligne que les appels à économiser de manière facultative, sans incitatifs, ne devraient réduire la consommation que de 5%, les éventuelles restrictions de consommation de 10%, et les potentiels contingentements de 5 à 15%. L’ultime scénario, le délestage, réduirait la consommation de 50% au maximum. L’électricité serait alors coupée par secteur en alternance égale durant 4 à 8 h, réductibles à 4 h. Comme les mêmes lignes alimentent parfois aussi bien les industries et les ménages de certains quartiers, «tout le monde serait coupé», abondait hier Dominique Progin, directeur infrastructures de Gesa.
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