Fribourg innove moins que les autres

Economie » Les indicateurs économiques ne sont actuellement pas favorables au canton de Fribourg. Ce dernier a perdu quatre places en cinq ans dans le classement d’UBS sur la compétitivité des cantons, où il est désormais 16e sur 26. Et selon une étude menée par le professeur à l’Université de Fribourg Philippe Gugler, assisté de Samuel Ferreira Gomes, Fribourg a également plongé au 16e rang du palmarès national établi sur la base du nombre de brevets par déposant (entreprise qui dépose) et par habitant. Le canton chute même à la 21e place si l’on considère le nombre de brevets par inventeur et par habitant. Les explications de Philippe Gugler.

Le nombre de brevets déposés dans le canton de Fribourg est relativement faible comparativement aux autres cantons. Pour quelles raisons selon vous?

Philippe Gugler: Le nombre de brevets enregistrés dans le canton de Fribourg est resté relativement stable au cours de ces dernières années. Le hic, c’est que, dans le même temps, le nombre de brevets déposés ailleurs dans le pays explose, notamment en Suisse romande. Dès lors, le canton de Fribourg paie son immobilisme en matière d’innovation par un recul dans le classement au niveau national. Certes, il faut aussi reconnaître que certains cantons abritent des industries à fort potentiel innovant qui sont moins présentes dans le canton de Fribourg. On peut citer notamment Bâle-Ville qui détient la majorité des brevets touchant aussi bien les industries pharmaceutiques que chimiques.

Pensez-vous que les inventeurs fribourgeois émigrent sous d’autres cieux?

Probablement. Le tissu économique du canton n’est pas en mesure d’offrir des emplois à bon nombre de diplômés fribourgeois qui n’ont pas d’autre choix que partir à la fin de leurs études. Par ailleurs, les scientifiques sont attirés par les centres innovants. Or de nombreuses institutions de recherche et entreprises attrayantes se situent en dehors des frontières fribourgeoises et aimantent des chercheurs fribourgeois qui peuvent y trouver non seulement des emplois correspondant à leurs qualifications mais aussi des conditions de développement personnel plus attractives.

Pourquoi est-il important qu’une région puisse s’appuyer sur des inventeurs déposant des brevets?

De nombreuses études montrent que l’innovation induit des gains de productivité donc de dynamisme économique. Certes, toutes les innovations ne sont pas brevetées. Toutefois, les brevets constituent un baromètre qui reflète la qualité innovatrice d’une région. Les inventeurs participent au développement de nouvelles découvertes, à la transmission du savoir, au dynamisme des entreprises existantes et à la création de start-up.

Cet état de fait constitue-t-il la preuve que la politique d’innovation du canton est insuffisante?

On peut se poser la question. Il serait important de repenser la politique d’innovation du canton et d’investir davantage dans la recherche et dans l’éducation. Toutefois, cette action devrait s’inscrire dans un plan de politique économique plus large, afin de fixer des axes d’orientation économique et technologique cohérents, en se basant notamment sur les besoins futurs des marchés au regard des développements sociologiques et technologiques qui modifient profondément les besoins de notre société.

Comment agir?

On ne peut pas simplement naviguer à vue et attendre la soumission de projets de recherche et de développement portant sur des domaines tous azimuts pour décider si on octroie ou non un financement. Pour décoller, nous avons besoin d’un équipage expérimenté qui connaisse exactement sa feuille de route. L’orientation et les exigences de celle-ci doivent être clairement communiquées afin de donner les signaux aux porteurs de projets de recherche et de développement.