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L'opinion de...

Ce mépris de Trump et de ses groupies


Louis Ruffieux

Louis Ruffieux

Aujourd’hui à 00:00

Temps de lecture : 3 min

L’époque où les démocraties attendaient des élus un minimum d’exemplarité, ce serait donc fini? Pour accéder à une candidature, les repris de justice, les malotrus, les menteurs congénitaux, les malhonnêtes, les parjures ne passaient généralement pas les filtres imposés par les partis politiques. Aujourd’hui, il est possible de cocher toutes ces cases et d’être démocratiquement et brillamment élu président de la première puissance mondiale.

Milliardaire mais dépourvu de surmoi, lesté d’un train de casseroles judiciaires mais récusant les instances qui le poursuivent, mentant sans aucun scrupule en répudiant les faits objectifs et prouvés, pratiquant la désinformation à grande échelle avec l’aide d’experts en manipulation, insultant et menaçant ceux qui ne pensent pas comme lui, traitant les femmes à la manière d’une caricature de cow-boy mal dégrossi, Donald Trump n’est pourtant pas considéré comme un voyou. Non, voici le Sauveur de la nation, même s’il a commis le parjure suprême: après avoir, la main sur la Bible, juré de respecter les lois et la Constitution, n’a-t-il pas poussé la transgression jusqu’à attiser une tentative de coup d’Etat pour contester sa non-réélection? Tocqueville, reviens nous expliquer cette Amérique-là…

Son élection a réjoui les dévots des autocrates

Il a fallu sept jours à Dieu pour créer le monde, il suffira de 24 heures à Trump pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Il l’a promis. Ses adorateurs évangéliques, qui le qualifient de nouveau Messie, lui pardonneront sans doute l’échec de ce miracle. Mais c’est fou, quand même, cette fascination des chrétiens pour les conducators les moins vertueux, souvent dénués de toute humanité (face aux migrants par exemple). Trump bénéficie de la miséricorde inconditionnelle de ses ouailles, son parcours de vie fût-il l’exact négatif du modèle qu’elles vénèrent.

Son élection a réjoui la Bourse (qui n’a cure des autres valeurs que marchandes), l’économie en général et les illibéraux en particulier. Elle a donné le sourire aux dévots des autocrates, aux zélotes de Poutine ou de Bolsonaro, pour qui les cadres institutionnels ne sont que des entraves à leurs ambitions de renards dans un poulailler. Héros absolu, Trump! On l’érige même en pourfendeur des élites et du système, comme s’il n’en faisait pas partie. On lui prête, et à lui seul, une connexion privilégiée avec le peuple et ses soucis. Mais est-ce respecter et servir le peuple que de l’abreuver de bobards, de mystifications, d’engagements intenables? Il n’y a en réalité pas pire mépris.

Ce même mépris, mâtiné de dérision, les groupies de Trump en gratifient ceux qui osent encore penser que la démocratie, l’honnêteté intellectuelle, la probité, le respect des lois, la sensibilité au sort d’autrui et de l’environnement, sont toujours des valeurs estimables. Du haut de leur dédain, ces Trump au petit pied vomissent ceux qu’ils appellent, en se bouchant le nez, les «bien-pensants». Le crime de ces demeurés? Leur fidélité à un idéal de société qui, malgré ses déviances et son inaboutissement, reste pourtant, et de loin, le plus convaincant.


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