Ressource durable et vieux filons

L’orange des drapeaux a donc viré à l’amer. Bien que portée pendant des années par un fort élan populaire, et malgré son important trésor de guerre, la coalition d’ONG a manqué d’un second souffle dans la dernière ligne droite. Au point de céder à la nervosité et de commettre quelques dérapages inhabituels de la part du camp des prétendus «gentils».

En face, l’establishment politique et économique a été fortement ébranlé par les coups de boutoir de Dick Marty et de ses alliés, mais il a résisté. Il doit ici une fière chandelle à Karin Keller-Sutter. La conseillère fédérale a d’abord convaincu le Parlement avec son contre-projet indirect, avant d’apposer sa marque au débat public en exploitant de vieux filons: le libéralisme (ce n’est pas à l’Etat de dicter sa loi aux entreprises); la peur du lendemain (en pleine crise du Covid-19, on risque d’affaiblir notre place économique); un certain conformisme (la Suisse n’a pas à faire cavalier seul). Comme quoi, vu des campagnes alémaniques, le «Sonderfall» est une notion à géométrie variable.

La société civile n’a pas tout perdu

La société civile n’a toutefois pas tout perdu. Après la protection du climat ou l’égalité entre hommes et femmes, elle a imposé à ses dirigeants son aspiration profonde à une économie respectueuse de l’environnement et des droits sociaux. Karin Keller-Sutter préfère concentrer son effort sur le travail des enfants et les minerais provenant des zones de guerre. Mais elle pourrait devoir rapidement aller plus loin.

Car la production de rapports annuels par les entreprises, sans la menace de sanctions dissuasives, aura peu d’effets. Et autour de nous, le monde s’apprête à bouger. De leur côté, les initiants sont bien décidés à maintenir la pression. Leur soif de justice est une ressource durable.