Louis Ruffieux
2 juin 2015 à 15:56
Il en va de la fiscalité comme de ce fameux rasoir doté d’une tête inclinable et pivotante, ainsi que d’une ribambelle de lames pour ne laisser aucune chance au poil le plus fourbe. La première coupe tout ce qui se dresse, la deuxième fauche le poil qui s’était planqué et qui se relève, la troisième traque le «poileton» naissant dans son follicule pileux… L’initiative pour imposer les successions (votation du 14 juin) s’inspire de cette stratégie multilames. Elle veut enrichir la panoplie du rasoir fiscal pour tailler dans les économies des contribuables disposant d’une certaine fortune, au profit des caisses de l’AVS.
La tondeuse qui prélève les contributions montre déjà une belle efficacité. Vous pouvez mettre un peu d’argent de côté? Ce pécule sera d’abord taxé comme revenu. Puis, passé un certain seuil, le voilà soumis à l’impôt sur la fortune. Les intérêts de cette fortune s’ajouteront à votre revenu, pour un nouveau passage de lame. Bref, pour le fisc, c’est la multiplication des pains. Faut-il prévoir une coupe de plus, en introduisant un impôt fédéral sur les successions et donations?
L’initiative des évangéliques et de la gauche prône l’imposition du patrimoine dès deux millions de francs, au taux de 20%, y compris quand les héritiers sont les enfants. Or, aujourd’hui, presque tous les cantons, dont Fribourg, exonèrent les descendants directs de l’impôt sur les successions et les donations. L’initiative acceptée, les cantons perdraient leur souveraineté en ce domaine. Quant aux petites et moyennes entreprises, les milieux économiques sonnent le tocsin: ce pourrait être, pour elles, la ponction fatale au moment du passage du témoin à la nouvelle génération. Autre tare de l’initiative: à son entrée en vigueur, en 2017, elle s’appliquerait rétroactivement au début 2012. Cinq ans de rattrapage, bonjour le rétropédalage administratif!
Pour tout dire, jusque dans la rengaine chantée par ses partisans («Les riches à la caisse!»), cette initiative est un peu rasoir, et beaucoup trop tranchante.
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