Paul Grossrieder, ancien directeur du CICR
8 février 2024 à 13:15
L’année 2023 marquait le 75e anniversaire de l’adoption par l’ONU de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) en 1948. Ce texte affirme la dignité de l’être humain en tant que tel, au-delà de toutes les cultures et de toutes les civilisations. Jusqu’alors, il n’existait que des textes nationaux (Angleterre, France). Aujourd’hui, plusieurs Etats contestent le cœur même de la DUDH – son universalité – sous prétexte qu’elle est l’œuvre de rédacteurs représentant la culture occidentale judéo-chrétienne.
L’argument est fallacieux, car la Commission onusienne des droits de l’homme, présidée par la veuve du président Roosevelt, a été très soucieuse de nommer des rédacteurs provenant de tous les horizons. Mme Roosevelt et quelques autres étaient de culture occidentale (René Cassin, William Hodgson etc.). Mais Charles Malik était Libanais (chrétien orthodoxe), Peng-chun Chang chinois (confucéen), Hansa Jivraj Mehta Indienne, A.E. Bogomolov Soviétique. Le rédacteur chinois, par exemple, a insisté au nom de l’universalisme sur la suppression de toute allusion à la nature et à Dieu. Au sein de la commission étaient également représentés plusieurs Etats islamiques: Afghanistan, Arabie saoudite, Egypte, Irak, Iran, Pakistan, Syrie, Turquie, Yémen. Très vite, l’URSS attaqua la notion de droits individuels. Au final cependant, les 58 Etats qui constituaient l’Assemblée générale adoptèrent la DUDH. Un grand moment de l’histoire.
Une contestation également d’ordre idéologique
Aujourd’hui, la Chine, la Russie et quelques Etats africains la contestent. Comme on l’a montré, cette position ne correspond pas aux conditions historiques de la rédaction de la DUDH. Mais l’autre contestation de l’universalité est d’ordre idéologique: elle est faite au nom des différences de culture, chinoise ou autre. La multiplicité des cultures affecte en effet la manière dont on exprime les droits de l’homme, mais elle ne modifie pas le fond du problème. De quoi parle-t-on lorsqu’on affirme l’universalité des droits de l’homme? On fait référence à l’être humain qui existe au-delà des ethnies, des couleurs et des cultures. Les huit milliards d’êtres qui peuplent la planète ont tous un point en commun que personne ne peut contester de bonne foi: ils sont tous des êtres humains qui tous expriment des émotions. A ce titre, ils méritent tous un respect identique. Jamais l’appartenance à un groupe ethnique ou religieux ne peut justifier une différence de traitement.
Comme le dit la DUDH dans son préambule, «la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde». Rien ne permet de mettre en cause cette affirmation. Lorsque le régime iranien considère la DUDH comme un document chrétien et occidental, il en nie sans raison l’incontestable universalité. Tout relativisme à l’égard de l’universalité des droits de l’homme conduit à une guerre civilisationnelle qui détruit l’égalité de tout être humain – qui est le même partout et mérite un même respect.
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