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Courrier des lecteurs

Le retour de la servitude volontaire


Jacques de Coulon

Jacques de Coulon

Aujourd’hui à 12:05

Temps de lecture : 3 min

Nous venons d’assister au sacre de Trump et de son âme damnée Musk. Leur but? Concentrer un maximum de pouvoirs et restreindre certaines libertés comme le droit du sol ou l’orientation sexuelle, quitte à s’attaquer à la Constitution. Ils souhaitent étendre leur influence en créant une internationale réactionnaire et en soutenant des partis comme l’AfD en Allemagne ou Zemmour en France. Pourtant, Trump a bel et bien été élu par le peuple, tout comme Orban en Hongrie ou Poutine en Russie. Près d’un tiers des Allemands est prêt à voter pour l’extrême droite devenue la première force en France. Mussolini n’avait-il pas lui aussi été élu?

Comment expliquer cette soumission à l’homme fort? Au milieu du XVIsiècle, Etienne de La Boétie avait qualifié ce renoncement à la liberté de «servitude volontaire». «Comment est-il possible, demandait-il, que tant d’hommes endurent un tyran qui n’a d’autre puissance que celle qu’ils lui donnent?» Nous nous poserons aujourd’hui cette même question: comment pouvons-nous être attirés par des personnalités comme Trump ou Zemmour et continuer de soutenir des gens comme Musk en participant à son réseau social et en achetant ses voitures alors qu’il s’attaque à l’Europe? Le recours à un autocrate se base d’abord sur la peur. Peur de l’étranger, peur de tout perdre, peur du changement… Cette «passion triste» (Spinoza) nous replie sur nous-mêmes en nous coupant les ailes et nous pousse à rechercher un protecteur qui prétend résoudre tous nos problèmes. Croyant échapper à nos tracas, nous nous jetons dans la gueule d’un loup.

Résister à cette dérive fascisante s’avère urgent

Certains médias, souvent aux mains de riches conservateurs, attisent cette peur. Il suffit de regarder leurs journaux télévisés qui commencent presque toujours par mettre en lumière des faits anxiogènes: une agression dans une banlieue ou les turpitudes d’un politicien quand il ne s’agit pas tout simplement de fake news! Autre manière de détourner le regard des gens de leur condition servile: le divertissement. «Les farces, les spectacles, les médailles et autres drogues, tels étaient pour les peuples anciens les appâts de la servitude», constate La Boétie. Platon comparait ses concitoyens à des prisonniers enchaînés contemplant des ombres au fond d’une caverne, manipulés par «des marionnettistes». Sommes-nous si différents aujourd’hui?

Résister à cette dérive fascisante s’avère urgent pour la survie de nos libertés. Oui, mais comment? La Boétie préconise la désobéissance: «Refusez de servir et vous voilà libres», écrit-il. Le pouvoir de l’oppresseur ne tient que grâce à l’assentiment de ses ouailles! Inspiré par La Boétie, Thoreau inventa le terme de «désobéissance civile» qui influença Gandhi ou Mandela. De nos jours, je parlerais aussi de «désobéissance économique»: chacun n’est-il pas libre de refuser d’acheter un produit créé par un ennemi de notre démocratie? Est-on obligé de dépendre des USA? A chacune et à chacun d’agir en âme et conscience.

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