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Forum/Courrier des lecteurs

Opinion. Fribourg et «l’autogoal permanent»


Louis Ruffieux, journaliste

Louis Ruffieux, journaliste

29 février 2024 à 13:20

Temps de lecture : 1 min

Qui c’est qu’a commencé? – C’est elle! Non, lui!»… De ce conflit, personne ne peut réellement situer l’amorce, ni se hasarder à prédire la fin. La relation difficile entre la ville de Fribourg et le reste du canton – particulièrement ses communes voisines – dont un épisode a récemment été rappelé ici même (LL 5.2, «Le centre cantonal fort a disparu»), est consubstantielle à l’histoire contemporaine fribourgeoise. Pour feu l’ancien syndic Pierre-Alain Clément, le péché originel datait de 1803, année de l’Acte de dotation entre l’Etat, la commune et la Bourgeoisie de Fribourg. L’Etat a alors corseté territorialement la ville, l’a rabaissée, l’a privée de moyens et «lestée d’un sac de nœuds». Ce Fribourg «volontairement diminué» est resté «l’incarnation, pour le canton, de l’autogoal permanent», écrivait le syndic en 2007.

Les entraves mises à son développement expliqueraient-elles l’attitude de la capitale, parfois hautaine, qui a entretenu l’animosité et les jalousies de la «province»? Voilà cinquante ans, le député d’Estavayer-le-Lac François Torche inventoriait, dans un postulat, les privilèges dont bénéficiait alors la commune. Outre les retombées économiques et culturelles de la concentration sur son territoire de l’appareil étatique, de l’université et des musées cantonaux, Fribourg s’épargnait le coût d’un hôpital de district en utilisant l’Hôpital cantonal, profitait des classes prégymnasiales (CO) des collèges cantonaux sans bourse délier, confiait à la police cantonale des tâches de police communale sans les payer, disposait de la Bibliothèque cantonale et universitaire à la charge de l’Etat, etc.

«Un millefeuille de pénalisations» pour la capitale

Contraint par le Grand Conseil de se coltiner un rapport fouillé, le Conseil d’Etat procrastina. Il fallut neuf ans et l’arrivée de Félicien Morel au gouvernement en 1982 pour que l’étude aboutisse l’année suivante. Entre-temps, les disparités mises en lumière avaient été pour la plupart sensiblement atténuées, ou étaient en voie de disparition. Le rapport gouvernemental évoquait aussi les inconvénients du statut de capitale: le surdimensionnement des infrastructures pour répondre à des besoins excédant ceux de ses seuls habitants, les charges d’assistance plus lourdes qu’ailleurs.

La capitale carrément défavorisée? Début 2004, le syndic Dominique de Buman présentait une étude concluant que la ville, alors chroniquement déficitaire, payait entre 17 et 22 millions de trop par an au titre des charges de ville-centre. Pour un tiers, ce surplus profitait aux communes voisines, le solde allant au canton. «Un millefeuille de pénalisations» étouffe la ville, constatait le syndic, déplorant «un manque de reconnaissance, au niveau cantonal, des problèmes urbains spécifiques à la ville-centre». Quid vingt ans plus tard? Eh bien, un projet de fusion du Grand Fribourg a foiré, l’agglomération institutionnelle créée en 1995 par le canton (une «première» suisse) a été enterrée et la capitale s’est alignée sur les standards urbanistiques des villes de gauche, ce qui n’améliore pas son capital de sympathie ailleurs dans le canton. Bref, ça bouchonne toujours.

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