Louis Ruffieux
24 novembre 2023 à 15:50
Il n’aura fallu que deux ans – deux automnes électoraux – pour que le Parti socialiste fribourgeois régresse de cinquante ans. Lors des élections cantonales de 2021, il enregistrait son pire résultat au Grand Conseil depuis 1971 (et perdait un siège au gouvernement). Cet automne, le PSF n’a réussi à faire élire qu’une seule représentante à Berne. Il faut aussi remonter à 1971 pour trouver une si faible moisson socialiste aux Chambres fédérales. Le départ imminent d’Alain Berset du Conseil fédéral ajoutera la touche finale au tableau noir. S’achèvera alors un cycle qui fut glorieux pour le PSF.
Il n’y a pas loin de la Coupole à la roche Tarpéienne. L’acmé euphorique du PSF date d’une douzaine d’années. En 2011, le parti s’empare de quatre des neuf sièges fribourgeois à Berne: trois au Conseil national, un au Conseil des Etats! Dans la foulée, le sénateur Alain Berset est élu au Conseil fédéral. Son ami Christian Levrat, président du parti suisse, lui succède sans problème à la Chambre des cantons. Tout baigne pour le PSF, qui brille comme jamais au firmament helvétique.
Une luminosité aveuglante? En 2013, la conseillère d’Etat centriste Isabelle Chassot démissionne. Les socialistes rêvent d’un troisième siège au gouvernement. Avec la conseillère d’Etat verte, la gauche aurait ainsi, pour la première fois de l’histoire cantonale, la majorité à l’exécutif. Pour quoi faire, face à un Grand Conseil clairement à droite? Du cadeau empoisonné que représenterait cette majorité forcément entravée, le PSF ne voit que la ficelle de fête. Et il n’échoue que de très peu.
Soufflé par le vent du boulet, le centre-droit se résout à conclure une alliance avec la droite nationaliste en pleine croissance, l’UDC, absente du gouvernement. Ballon d’essai en 2016, transformation en 2021 avec l’élection d’un conseiller d’Etat UDC au détriment d’un socialiste. Le rapport de force entre la droite et la gauche impose sa sèche réalité mathématique. Allié aux Verts et au Centre-gauche chrétien-social, le PSF reçoit le nouveau bloc de droite en pleine poire. Il paie en 2021 la facture de sa boulimie de 2013. En 2021, il doit encore faire le deuil de son siège au Sénat, après la démission de Christian Levrat. En 2018, le PSF avait aussi eu la drôle d’idée de convoiter le siège laissé vacant par la conseillère d’Etat verte Marie Garnier, en opposant sa candidate à celle de son allié. Résultat: un deuxième libéral-radical à l’exécutif.
Un sentiment d’invincibilité, des erreurs stratégiques, l’incapacité à préparer les transitions (surtout au Conseil national), la sortie en voie de garage par train postal du conseiller aux Etats et éphémère candidat au gouvernement Christian Levrat, l’oubli des fondamentaux du parti au profit d’une course-poursuite aux marottes à la mode (mais peu prisées de l’électorat), la loi des cycles, le contexte international et national anxiogène… Peu ou prou, tout cela a creusé le trou où gît le PSF, qui peut toutefois percevoir une lueur: descendre plus bas, ce n’est guère possible.
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