Corée du Sud. Manifestations à la veille de la date butoir pour arrêter Yoon
Des milliers de partisans et détracteurs du président sud-coréen déchu Yoon Suk Yeol bravent la neige dimanche à Séoul, à la veille de l’expiration d’un mandat d’arrêt émis contre lui pour sa tentative ratée d’imposer la loi martiale début décembre.
Partager
ATS et AFP
5 janvier 2025 à 06:55, mis à jour à 17:13
Devant sa résidence, des soutiens de l’ex-procureur vedette sont venus en nombre pour réclamer l’annulation de sa destitution par le Parlement, ont constaté des journalistes de l’AFP, malgré le froid et le manteau blanc qui a recouvert la capitale pendant la nuit.
«J’ai traversé la guerre et des températures de -20 degrés dans la neige pour me battre (…). Cette neige, ce n’est rien», dit à l’AFP Park Young-chul, affirmant que la «guerre est de nouveau là».
Les opposants à M. Yoon, eux, exigent son arrestation, après un premier essai infructueux des enquêteurs mis en échec vendredi par la garde présidentielle.
«J’ai quitté mon emploi pour venir protéger notre pays et la démocratie. J’habite à deux heures d’ici et aller aux manifestations puis repartir, c’était trop», déclare à l’AFP Lee Jin-ah, 28 ans.
«La neige, ce n’est rien (…), on sera quand même là», poursuit l’ancienne employée d’un café, qui a passé la nuit près du domicile de Yoon Suk Yeol.
Les enquêteurs ont jusqu’à la dernière seconde lundi (16h00 en Suisse lundi) pour exécuter le mandat d’arrêt émis contre lui afin de le forcer à répondre aux questions sur sa brève imposition de la loi martiale. Ils avaient assuré que l’ordre serait appliqué dans ce délai.
Présent à son procès?
M. Yoon, 64 ans, est sous le coup de plusieurs enquêtes dont pour «rébellion», accusé d’avoir fait vaciller la jeune démocratie sud-coréenne avec son coup de force dans la nuit du 3 au 4 décembre, qui a ravivé le douloureux souvenir de la dictature militaire.
Au Parlement cerné par des soldats, un nombre suffisant de députés avait réussi à voter une motion exigeant la levée de l’état d’exception. Sous la pression des élus, de milliers de manifestants et contraint par la Constitution, Yoon Suk Yeol avait dû obtempérer quelques heures après sa mesure choc.
Selon un rapport du parquet consulté dimanche par l’AFP, il avait, avant d’annoncer sa décision à la télévision, ignoré les désaccords du Premier ministre d’alors, du ministre des Affaires étrangères et de celui des Finances, Choi Sang-mok, actuellement président intérimaire.
Le 14 décembre, l'Assemblée nationale a adopté une motion de destitution contre M. Yoon, entraînant sa suspension immédiate. Il reste cependant officiellement le président titulaire en attendant que la Cour constitutionnelle se prononce sur son cas, d'ici à la mi-juin.
Yoon Suk Yeol a prévu de se présenter à son procès à la Cour, «pour donner son point de vue», a annoncé dimanche dans un communiqué son avocat, Yoon Kab-keun, alors que la juridiction a à ce stade fixé cinq sessions entre le 14 janvier et le 4 février.
Ni Park Geun-hye ni Roh Moo-hyun, les deux autres anciens présidents à avoir été concernés, ne sont venus à leurs procès.
Mme Park a été définitivement destituée puis incarcérée en 2017 tandis que M. Roh s’est vu sauvé par la Cour, allant ensuite au bout de son mandat.
Pas l'«autorité» suffisante
Une éventuelle arrestation de M. Yoon serait une première pour un chef de l’Etat sud-coréen en exercice. Les enquêteurs sont toutefois repartis bredouilles de son domicile vendredi, les gardes présidentiels ayant refusé de se plier à leur mandat.
Le Bureau d’enquête sur la corruption des hautes personnalités (CIO), l’entité centralisant les investigations, a ainsi demandé samedi à Choi Sang-mok d’ordonner au personnel de protection M. Yoon de coopérer.
«Le service de sécurité présidentiel a violé la Constitution, devenant de fait une force rebelle», a fustigé au Parlement Park Chan-dae, chef des députés du Parti démocrate, principale force de l’opposition et groupe majoritaire dans l’hémicycle.
L’équipe juridique de Yoon Suk Yeol a, elle, l’intention d’engager des procédures contre «ceux qui ont commis des actes illégaux», estimant que le chef du CIO, Oh Dong-woon, avait essayé d’exécuter le mandat d’arrêt sans avoir l'«autorité» suffisante, selon Yoon Kab-keun.
Arrivée de Blinken
La Corée du Sud ne cesse de s’enfoncer dans le chaos politique depuis début décembre, le premier président par intérim ayant lui aussi été destitué le 27 par les députés, qui l’accusaient d’entraver les procédures contre M. Yoon. Choi Sang-mok exerce depuis en tant que deuxième président intérimaire.
Dans ce contexte, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken est arrivé lundi (dimanche soir en Suisse) à Séoul, a constaté un journaliste de l’AFP qui l’accompagne.
Le chef de la diplomatie américaine entame ce qui sera probablement son dernier voyage avant l’investiture du président élu Donald Trump, avec des étapes également prévues au Japon et en France. En Corée, il doit notamment s’entretenir lundi avec son homologue Cho Tae-yul.