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UNRWA. Bénéficiaires et ONG s’inquiètent de la suspension de l’aide aux réfugiés palestiniens

Une dizaine de pays ont décidé de suspendre leur aide à l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens. Bénéficiaires et organisations non gouvernementales font part de leurs inquiétudes.

A Beyrouth, près de 200 personnes se sont réunies ce mardi devant le siège de l’UNRWA pour apporter leur soutien à l’agence. © Keystone

Amélie David, Beyrouth

Amélie David, Beyrouth

31 janvier 2024 à 20:05

Temps de lecture : 1 min

Quel avenir pour la population gazaouie et pour tous les Palestiniens? Le 26 janvier, Israël accusait 12 des 30 000 employés de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) d’avoir pris part à l’attaque du Hamas le 7 octobre dernier. Ces personnes ont été licenciées et une enquête doit être menée. Ce même jour, la Cour internationale de justice (CIJ) rendait un jugement intérimaire dans la plainte pour génocide de l’Afrique du Sud contre Israël, dans lequel elle ordonne à l’Etat hébreu d’empêcher tout acte de génocide. Mais les accusations d’Israël ont eu une portée différente. A l’heure de mettre sous presse, 13 pays occidentaux ont déjà annoncé suspendre leurs donations en faveur de l’UNRWA à la suite de ces accusations.

L’UNRWA est un organisme de l’ONU créé en 1949, un an après la fondation de l’Etat d’Israël et après la Nakba (la catastrophe en arabe) pendant laquelle plus de 700 000 Palestiniens ont fui vers la bande de Gaza, la Cisjordanie, la Syrie, le Liban ou la Jordanie. L’agence vient en aide à 5,9 millions de personnes dans 58 camps et dirige plus de 700 écoles et 140 dispensaires. D’après le chef de l’UNRWA Philippe Lazzarini, plus de 2 millions de personnes à Gaza dépendent de cette aide. Selon l’ONU, la bande de Gaza est totalement assiégée par Israël et est depuis des semaines en proie à une crise humanitaire majeure. Les bombardements ont détruit des quartiers entiers et ont entraîné la fuite de 1,7 million de personnes de leurs foyers. Cette guerre a fait, selon le Hamas, près de 27 000 morts parmi les Palestiniens, principalement des femmes et des enfants, et 1200 du côté israélien. Depuis le début de la guerre à Gaza, plus de 140 collaborateurs de l’UNRWA ont été tués et 134 de ses installations détruites.

Une «famine imminente»

Dans un communiqué, Philippe Lazzarini explique: «Beaucoup ont faim alors que le compte à rebours s’approche d’une famine imminente. L’agence gère des abris pour plus d’un million de personnes et fournit de la nourriture et des soins de santé primaires, même au pic des hostilités.» Et d’ajouter: «Dans son jugement d’hier, la Cour internationale de justice a ordonné qu’«Israël doit prendre des mesures immédiates et efficaces pour permettre la fourniture de services de base et une assistance humanitaire d’urgence afin de remédier aux conditions de vie difficiles auxquelles sont confrontés les Palestiniens dans la bande de Gaza». Ces mesures visent à prévenir des dommages irréparables aux droits des Palestiniens.»

D’autres agences de l’ONU et organisations humanitaires ont dénoncé les décisions de plusieurs pays de stopper leur financement à l’UNRWA. Dans un communiqué commun, une vingtaine d’ONG se sont déclarées révoltées et craignent de voir «un effondrement total de la réponse humanitaire, déjà très limitée à Gaza». Le responsable du bureau Maghreb et Moyen-Orient de la Fédération internationale pour les droits humains, Yosra Frawes, a ainsi comparé la décision des pays donateurs à «une complicité manifeste dans le génocide en cours, et une violation totalement déconcertante de la décision de la CIJ».

Manifestation à Beyrouth

A Beyrouth, capitale du Liban, près de 200 personnes se sont réunies ce mardi devant le siège de l’UNRWA pour apporter leur soutien à l’agence. Sur les pancartes des manifestants, des messages tels que «Stopper le financement de l’UNRWA menace le futur des réfugiés palestiniens». Selon l’agence onusienne, environ 250 000 réfugiés palestiniens vivent encore au Liban et près de 90% d’entre eux sont sous le seuil de pauvreté. A Burj-El-Barajneh, l’un des plus anciens et bondés camps du pays, Jihad Moussa se désole de ces suspensions. Pour lui, c’est condamner un peu plus la population de Gaza et les Palestiniens en général, déjà soumis à des conditions de vie misérables.

«Le génocide mené par Israël à Gaza empêche les Gazaouis de vivre comme des humains. Mes proches qui y vivent n’ont plus de maison… Alors que c’est la base. Où sont les lois humanitaires?» enrage le jeune homme né au Liban. Dans les 12 camps de réfugiés que compte le Liban, l’agence participe à l’éducation via des écoles, ainsi qu’aux services sociaux et de santé. «De mon côté, l’UNRWA aide un peu à couvrir les frais de santé de ma sœur malade car nous n’avons pas d’assurance-santé», continue Jihad Moussa.

La Suisse attentiste

Pour le docteur Rami Zurayk, directeur intérimaire du centre d’études sur le territoire palestinien de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), les pays occidentaux démontrent leur volonté de rester aux côtés d’Israël quoi qu’il arrive et peu importe le jugement de la Cour internationale de justice. «Les Palestiniens perdent des aides matérielles, mais l’Occident perd encore plus. Il perd en allant à l’encontre de tout ce qu’il dit, de son éthique, de ses leçons de morale», analyse l’universitaire, avant de poser la question: «Etes-vous tellement du côté des colons que vous avez perdu votre bonne conscience?»

Pour l’heure, la Norvège et l’Espagne maintiennent leurs fonds à destination de l’UNRWA. Ignazio Cassis, conseiller fédéral en charge des Affaires étrangères, a annoncé attendre d’avoir davantage d’informations sur les accusations portées pour décider du versement des aides. Dans l’attente de connaître l’impact réel de ces décisions, à Gaza, les Palestiniens meurent sous les bombardements et beaucoup n’ont plus accès aux soins de base.

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