L’amertume gagne le candidat recalé par les électeurs au terme d’une campagne où l’espérance de la victoire l’a parfois emporté sur la raison. Et à la déception se greffent la frustration et l’impression de trahir son électorat pour le prétendant contraint de quitter la course malgré un bon score au premier tour. Ces sentiments, le libéral-radical Peter Wüthrich, cinquième de l’élection au Conseil d’Etat dimanche, n’a pas pu les taire au moment de laisser le champ libre au candidat UDC de l’Entente de droite (entente qui lui a sans doute valu deux tiers de ses voix). Peter Wüthrich a ainsi rejoint le «martyrologe» des candidats sacrifiés sur l’autel des intérêts supérieurs des partis.
Des précédents? En 1971, Edouard Gremaud se classe cinquième au premier tour de l’élection au Conseil d’Etat. Les quatre qui le précèdent sont démocrates-chrétiens comme lui. M. Gremaud se retire afin que le PDC s’assure de l’élection de son allié PAI-UDC, Joseph Cottet, qui accédera en effet à l’exécutif. Malgré sa déclaration de retrait (trop tardive), Edouard Gremaud reste présent sur les listes imprimées et recueille plus de 32% des voix au second tour! Dix ans plus tard, en 1981, il sera de nouveau en piste avec succès. Son ascenseur croisera alors celui de… Joseph Cottet, non réélu à la suite de son lâchage par le PDC, qui a décidé de limiter son appétit à trois élus à l’exécutif.
En 1986, nouveau psychodrame. Le conseiller d’Etat Rémi Brodard brigue un quatrième mandat. Mais au palmarès du premier tour, il n’est que le quatrième prétendant du PDC, derrière Roselyne Crausaz (elle sera la première conseillère d’Etat de Suisse romande). Conformément aux engagements pris, il doit se retirer, ce qu’il consent dans la douleur. Egalement en position éligible, le préfet de la Sarine Hubert Lauper renonce lui aussi. Cinq ans plus tard, en 1991, retour du balancier: Roselyne Crausaz, sixième du premier tour derrière quatre PDC, connaît les mêmes affres. Elle retire sa candidature à la Chancellerie d’Etat à l’ultime minute du délai légal. PDC comme elle, classé juste devant elle, Pierre Ecoffey se plie aussi aux règles du jeu. Enfin qui, en 2006, doit renoncer alors qu’il est placé dans le «sept de base» après la première manche? Jean-Pierre Siggen, qui attendra 2013 pour entrer au Conseil d’Etat où il a été réélu dimanche en tête.
Ces règles internes, ces petits arrangements entre partis passent mal dans la population, qui n’y voit que combines et trahison de sa volonté. Au moins ces conventions sont-elles connues avant l’élection et permettent-elles de présenter un nombre de candidatures supérieur à celui des postes à pourvoir, pour un premier tri par le peuple. Certes discutables, les accords d’appareils attentent pourtant moins au respect dû à l’électorat que l’attitude de ces députés qui, à peine élus, avouent qu’ils laisseront rapidement leur siège à un «vient-ensuite». Il y a là tromperie sur la marchandise.
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