Logo

Le passé recomposé

La ville à la constante mutation

Le passé recomposé • En déambulant à pied, le résident ou le visiteur de Bulle prend acte de la forte croissance des 25 dernières années.

Avec économie de moyens, le chef-lieu gruérien a finement requalifié son centre historique.

Jean-Pierre Dewarrat*

Jean-Pierre Dewarrat*

19 août 2014 à 20:27

Le centre historique de Bulle aujourd'hui.
Le centre historique de Bulle aujourd'hui.

Délicieusement rétro, la carte postale de ce mois est en couleur, une fois n’est pas coutume. Ou plutôt colorisée avec une dominante de rose saumon dont la masse fait ressortir deux édifices de cette tranchette de paysage urbain. La lecture du découpage spatial est double. Schéma classique, on peut y observer une succession de trois plans aux proportions quasi identiques: la rue presque vide, un pâté de maisons assez compact d’où se détachent une tour au toit conique et le ciel, d’un bleu tendre. L’autre lecture consiste à ne voir au centre qu’un groupe de constructions en sandwich entre un pan de terre et un pan de ciel. Légèrement asymétrique, la composition focalise sur la grosse maison rose du milieu, devant laquelle deux rues s’écartent, formant une placette triangulaire dont la fontaine et la présence d’un petit arbre pommé attirent irrésistiblement l’œil. A l’arrière du bâtiment central (et de l’Hôtel du Cheval-Blanc) se tient de chaque côté un front de rue. Ce petit côté 3D est renforcé par le jaillissement du donjon du château qui offre une opposition entre ville horizontale et moderne (XIXe et début XXe s.) et strate médiévale tout en verticalité.

Malgré la datation fantaisiste de la BCU («avant 1948»), le contexte est plus ancien de 20 à 30 ans. En premier, ce genre de vue colorisée est typique du tournant des XIXe et XXe siècles. Deuzio, le paysage urbain est encore chiche en enseignes publicitaires; les rares sont Hôtel du Cheval-Blanc, à droite, et Chocolat, puis non visible SION et Vins Despagne (en un seul mot) vers la gauche. Le troisième élément, le principal en fait, saute aux yeux: la quasi-absence de circulation, la cohabitation entre chars hippomobiles et rares voitures automobiles ainsi que les personnages (type d’habillement et espace public occupé sans crainte du trafic).

En 2014, au premier abord, on n’a guère l’impression que ce coin de ville a beaucoup changé, les bâtiments n’ayant subi que des modifications mineures. Et pourtant, tout a changé! Ce n’est plus l’une des entrées en ville, mais LE centre-ville, tant l’étalement urbain bullois est dense et immense. Les commerces sont omniprésents (devantures colorées et variées). Le consumérisme et le ludique ont pris le dessus, reléguant dans l’ombre le religieux et le politique (symbolique est ici la puissante frondaison du platane - le petit arbrisseau de l’image du haut - masquant l’essentiel de la tour du château, siège de la Préfecture). La fontaine (qui a perdu son antique utilité salubre et son usage social) a été déplacée vers la gauche.

Enfin, des places de parc, nerf du commerce en ville, se répartissent l’espace public avec une voirie entièrement repensée dans tout le centre-ville. Là est la marque la plus tangible du changement sociétal intervenu en moins d’un siècle: un centre-ville requalifié qui donne envie de s’y déplacer, à pied de préférence ou en voiture ralentie, dans une ville réaménagée au profit de l’homme. Et à son échelle comme l’est le juste rapport entre bâti et voirie, entre espaces commerciaux et espaces publics.

* archéologue du territoire et chargé de cours à l’EIA-FR

> Cette série est réalisée en partenariat avec la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg (BCU), qui a puisé dans ses collections les photos anciennes publiées ici. Une partie des fonds photographiques de la BCU (environ 20'000 images) est accessible sur le site: www.fr.ch/bcu/n/photos

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus

Ogoz ou la fabrication d’un paysage

Le passé recomposé • Légendes et sources archéologiques cohabitent sur les ruines et l’île née au milieu du XXe s. Ogoz, multiple, est une référence.

Gillarens, oublié puis retrouvé

Le passé recomposé • Au fond méridional de la Glâne, ce village de poche est un exemple des mutations qui changent le visage du canton.