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Le passé recomposé

Gillarens, oublié puis retrouvé

Le passé recomposé • Au fond méridional de la Glâne, ce village de poche est un exemple des mutations qui changent le visage du canton.

Gillarens en 1977 et le village glânois aujourd’hui.

Jean-Pierre Dewarrat*

Jean-Pierre Dewarrat*

8 janvier 2015 à 19:17

De facture récente (1977, BCU), cette carte postale n’en montre pas moins les changements intervenus dans le territoire au cours des dernières décennies. Le paysage donné à voir consiste en quelques édifices, fermes, granges et une à deux maisons récentes (la première génération de villas), alignés inégalement de part et d’autre d’une voie de communication.

Graphiquement, la construction est ici moins courante que d’ordinaire: la terre y occupe l’essentiel de l’image (quasi quatre cinquièmes) et le ciel la portion congrue. Le découpage est original. Tout en bas, une portion de route délimite une tranche de paysage rural et tout en haut y correspond dans les mêmes tons une portion de ciel qui la ferme. Entre eux le lieu habité et cultivé qui résume autant qu’il le montre le village de Gillarens. La moitié inférieure du cadre rural, avec sa dominante claire, contient des prés ainsi qu’un verger. La moitié supérieure, avec sa dominante foncée, comprend le hameau-rue étalé le long de la route des Jordils (soit vergers ou jardins), quelques champs et pâturages ainsi que surtout la vaste masse sombre des forêts des Côtes et du Bois de Ban (communes d’Auboranges et d’Ecublens, toutes deux situées outre-Broye, non visibles au fond de ladite vallée, côté ouest).

Hameau serait plus indiqué pour décrire l’ancienne commune (jusqu’à sa fusion avec Rue au 1er janvier 2001). Un lieu habité depuis le Moyen Age (131 habitants en 1811, 272 en 1950, 160 en 1980 et 177 en 2000), cité dès le XIIe s. (Gislerens, 1225 Gislarens, 1273 Gillarens) et administré par Fribourg depuis l’annexion de 1536 (bailliage de Rue, puis préfecture du même nom et enfin district de la Glâne depuis 1848). Un lieu dont la vocation agricole n’a, elle, pas changé (céréales, betteraves et pommes de terre, élevage et production laitière, selon les données de 2004).

Pas d’auberge, pas d’église, juste quelques fermes le long de la principale route villageoise et quelques ruraux isolés çà et là; autrefois, le Conseil communal devait se réunir dans la cuisine du syndic… A l’origine, l’habitat s’est installé aux Jordils à intervalles réguliers et plutôt du côté ouest (aval) de la route; de nos jours, les espaces interstitiels (alors vides) sont occupés par le développement de l’habitat pavillonnaire (villas récentes, plutôt banales excepté un à deux édifices à l’architecture hardie) et plutôt du côté est (amont). Ces villages de poche, tel Gillarens, étaient dans l’orbite de Rue; avec la fusion des communes environnantes, on n’a fait qu’officialiser politiquement un état de fait préexistant. Jadis aux frontières oubliées de l’administration cantonale, ces terrains, agricoles et excentrés, sont entrés dans l’orbite d’une société qui conjugue mobilité et individualisme, les promoteurs l’ont compris les premiers. Hormis l’émergence de zones villas, on conserve l’impression que rien ou pas grand-chose ne change et pourtant même ici, au bout du canton et du district, tout a changé. Imperceptiblement, mais assurément. I

* Archéologue du territoire et chargé de cours à la HEIA-FR

> Cette série est réalisée en partenariat avec la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg (BCU), qui a puisé dans ses collections les photos anciennes publiées ici. Une partie des fonds photographiques de la BCU (env. 20 000 images) est accessible sur le site: www.fr.ch/bcu/n/photos

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