Louis Ruffieux
23 novembre 2019 à 02:01
Opinion » Le rôle de la Singine dans la perte des deux sièges démocrates-chrétiens fribourgeois au Conseil des Etats raconte, à 40 ans d’intervalle, deux évolutions de ce district. En 1979, décisive dans l’élection du socialiste Otto Piller, la Singine s’affranchit du PDC. En 2019, peu mobilisée pour sauver le soldat Beat Vonlanthen, elle montre du relâchement dans son combat identitaire. Serait-ce la fin du «Parti singinois» – cette capacité de l’électorat à dépasser les clivages partisans pour assurer le succès de l’un des siens?
Automne 1979, le PDC vit une étape clé de son déclin. Occupant les deux sièges du Sénat depuis 1858, il présente, pour accompagner le sortant Pierre Dreyer, l’impérieux conseiller d’Etat singinois Arnold Waeber. Au premier tour, A. Waeber, deuxième, laisse le socialiste singinois Piller à près de 13 points. Le district alémanique accorde clairement sa préférence au candidat démocrate-chrétien.
Au second tour, le socialiste porte les espoirs de tous ceux qui rêvent d’enfoncer un coin dans le séquoia conservateur. Otto Piller passe de 30,8 à 51,2% des voix et fait sensation en battant nettement Arnold Waeber. Un malheur n’arrivant jamais seul au PDC, la Singine signe une volte-face spectaculaire: Piller y gagne plus de vingt points et Waeber recule fortement. Le socialiste glane, dans son district, l’essentiel des voix qui feront la différence au final.
Le PDC voit s’effriter un bastion, un incroyable grenier à voix. En 1922 (élection du National) 94,6% des suffrages singinois allaient aux conservateurs… Et en 1975, quatre ans avant le choc Piller, plus de 70% encore! Alors, pourquoi cette soudaine infidélité? En fait, le feu bouronne depuis les années 1960 déjà. La Singine, longtemps peu considérée par le pouvoir cantonal, se lève, s’organise, revendique, obtient. Des lois cantonales se calquent sur ses standards, des postes clés lui reviennent, son influence croît. La reconnaissance de l’allemand comme langue officielle symbolise, en 1990, la réussite d’un combat. Et le début du déclin?
Comme rassasiée, la Singine paraît s’assoupir. Sa démographie stagne – de récentes projections n’excluent pas son recul à l’avenir – dans un contexte cantonal en forte progression. Sa part au PIB cantonal ne correspond pas à son poids. Le pont de la Poya facilite les déplacements de nombreux pendulaires (en attendant, peut-être, d’ouvrir un boulevard à la Singine: si la fusion du Grand Fribourg aboutit, le district sera relié à une commune bilingue une fois et demie plus peuplée que lui… Qui parlera encore de menaces sur la minorité linguistique?)
Le 10 novembre dernier, alors que Beat Vonlanthen est en grand danger, le «Parti singinois» montre de beaux restes: l’élu PDC cartonne dans son district (70% des voix), quand sa rivale Johanna Gapany doit se contenter de 48% en Gruyère. Mais le «Parti singinois» souffre d’un défaut de motivation et de mobilisation: la faible participation du district, bien inférieure à la moyenne, coûte son siège à Beat Vonlanthen, pour un rien. Tel fut l’effet papillon, ressenti jusqu’à Bulle, d’un engagement singinois battant de l’aile.
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