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Géorgie. Géorgie: l'opposition manifeste contre le parti au pouvoir

Des milliers de Géorgiens manifestaient lundi soir à Tbilissi à l'appel de l'opposition pro-européenne pour dénoncer des législatives "volées" par le gouvernement, que le Premier ministre hongrois Orban est allé soutenir sur place, en dépit des critiques de l'UE.

La foule s'est massée lundi soir devant le bâtiment du Parlement, dans le centre de la capitale Tbilissi.KEYSTONE/AP/Zurab Tsertsvadze

ATS
AFP

ATS et AFP

Aujourd’hui à 18:29, mis à jour à 18:48

Temps de lecture : 3 min

La foule s'est massée devant le bâtiment du Parlement, dans le centre de la capitale, deux jours après un scrutin remporté par le parti au pouvoir Rêve géorgien, accusé par l'opposition de s'être engagé dans une dérive autoritaire prorusse et d'éloigner la Géorgie, une ancienne république soviétique du Caucase, de la perspective d'une adhésion à l'Union européenne et à l'Otan.

Peu après 20h00 heure locale (18h00 suisses), ils étaient quelque 20'000, certains brandissant des drapeaux géorgiens et européens, selon des journalistes de l'AFP présents.

Dans un entretien accordé lundi à l'AFP avant la manifestation à laquelle elle a également appelé, la présidente géorgienne Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement, avait estimé que les méthodes pour fausser le scrutin avaient été similaires à celles utilisées en Russie.

"C'est très difficile d'accuser un gouvernement", "mais la méthodologie, elle est russe", a dit la cheffe de l'Etat.

Le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a dit "fermement rejeter" ces allégations d'ingérence, accusant Mme Zourabichvili de "tentatives de déstabilisation" de son propre pays.

Le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidzé, a quant à lui assuré que la "principale priorité" de Tbilissi restait "l'intégration européenne" et "s'attendre à un redémarrage des relations" avec Bruxelles, après de vives tensions ces derniers mois.

"Sermons inutiles"

Voix européenne discordante, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, proche de Moscou, qui a très vite salué la "victoire écrasante" du Rêve géorgien samedi, s'est rendu lundi soir en Géorgie, un pied de nez à l'UE, dont son pays assure la présidence tournante.

"La Géorgie est un Etat conservateur, chrétien et pro-européen. A la place de sermons inutiles, elle a besoin de notre soutien dans son chemin européen", a tweeté à son arrivée le dirigeant nationaliste.

Viktor Orban "ne représente pas l'Union européenne", avait taclé plus tôt le chef de la diplomatie européenne, Josep Borell.

A l'unisson de Washington, l'Union européenne a appelé à enquêter sur les accusations de fraudes électorales pendant les législatives de samedi.

Selon Mme Zourabichvili, l'utilisation pour la première fois en Géorgie du vote électronique a notamment contribué à de telles falsifications : le même numéro de carte d'identité a été retrouvé correspondant à "dix-sept votes, vingt votes, dans différentes régions", a-t-elle ainsi affirmé, évoquant également des méthodes plus classiques comme l'achat de votes et des pressions.

D'après des résultats quasi définitifs, le Rêve géorgien, aux affaires depuis 2012, était crédité lundi matin de 53,92% des voix, contre 37,78% pour la coalition d'opposition.

L'ex-président Mikheil Saakachvili, aujourd'hui emprisonné, a lui aussi appelé à des "manifestations massives" afin de "montrer au monde que nous luttons pour la liberté".

La base "solide" du Rêve géorgien

Une des composantes de l'opposition, la Coalition pour le changement, a annoncé renoncer à ses mandats parlementaires pour ne pas "donner de légitimité" au scrutin.

L'opposition, qui avait initialement revendiqué sa victoire sur la foi de sondages à la sortie des bureaux de vote, compte désormais sur la mobilisation de ses sympathisants dans la rue.

Mais le Rêve géorgien conserve une base solide en jouant efficacement sur les craintes d'une menace de guerre imminente" face à la Russie, relève auprès de l'AFP l'analyste politique Ghia Nodia, qui s'attend à ce que le pouvoir lance désormais une "attaque de grande envergure contre les opposants, la société civile et les médias indépendants".

La Géorgie a été secouée en mai par de grandes manifestations contre une loi sur "l'influence étrangère", inspirée d'une législation russe sur les "agents de l'étranger" mise en oeuvre pour écraser la société civile. Mais cette mobilisation n'a pas suffi à faire abandonner ce texte.

Bruxelles a gelé dans la foulée le processus d'adhésion à l'UE et les États-Unis ont pris des sanctions contre des responsables géorgiens.

Certains dirigeants du Rêve géorgien sont en outre très critiques envers les Occidentaux. Bidzina Ivanichvili, qui dirige ce parti, les a qualifiés de "parti mondial de la guerre".

La Géorgie est marquée par sa défaite dans une brève guerre en 2008 avec la Russie et par la menace d'une nouvelle invasion, similaire à celle de l'Ukraine.

Moscou a des bases militaires dans deux régions séparatistes géorgiennes dont le Kremlin a reconnu l'indépendance : l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud.