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Économie

Union sacrée pour l’emploi des seniors

Le Conseil national a adopté à l’unanimité une motion pour un taux unique de cotisation au 2e pilier


Sevan Pearson

Sevan Pearson

7 juin 2019 à 04:01

Marché du travail » Il est rare que le Conseil national adopte une motion à l’unanimité contre l’avis du Conseil fédéral. C’est pourtant ce qui s’est passé mercredi soir. La Chambre basse a soutenu une proposition du Parti bourgeois-démocratique (PBD) qui demande un taux unique pour les cotisations au 2e pilier. Le but? Mieux protéger les travailleurs de plus de 50 ans. A l’heure actuelle, la contribution de chaque salarié augmente avec l’âge, ce qui rend les seniors moins attractifs sur le marché du travail. Si la motion devenait une loi, les plus jeunes verraient leur cotisation augmenter, tandis que celle des plus âgés diminuerait. «On réaliserait ainsi l’égalité intergénérationnelle», argumente Duri Campell (pbd, GR).

«Je suis très surpris, d’autant plus que je me bats pour davantage de soutien à notre initiative», réagit Pierre Bayerdörfer, président de l’association Workfair 50+. Cette organisation est en train de récolter des signatures pour son texte qui propose entre autres un taux unique de cotisation au 2e pilier. La motion adoptée mercredi soir a été déposée sans concertation avec le comité d’initiative. «Ce vote unanime est d’autant plus le bienvenu que nous faisons face à des difficultés pour récolter des signatures. Nous n’en avons que quelques milliers à l’heure actuelle, en raison de nos moyens financiers limités.»

«Capital sympathie élevé»

Pierre Bayerdörfer n’est pas le seul étonné. C’est aussi le cas de l’Union syndicale suisse (USS) et de l’Union patronale suisse. «La question des travailleurs de plus de 50 ans est très émotionnelle pour beaucoup de gens. Je pense que le parlement a voulu donner un signal en ce sens», analyse Gabriela Medici, secrétaire centrale et responsable des assurances sociales à l’USS.

Pour Marco Taddei, membre de la direction de l’Union patronale suisse, ce vote unanime s’explique par un déficit d’information. «Un lissage des taux impliquerait une période transitoire qui coûterait environ un milliard de francs par an, et ce, pendant plusieurs années», avance-t-il. Selon lui, si les parlementaires avaient eu ce chiffre en tête, ils n’auraient pas adopté la motion. Il souligne également le «capital de sympathie élevé» dont jouissent les employés de plus de 50 ans, ce qui expliquerait le résultat du vote.

Un signal fort

A la mi-mai, le Conseil fédéral proposait en effet des mesures en faveur des seniors: un bilan professionnel gratuit, une offre de conseil étendue et renforcée dans les offices régionaux de placement ou encore un accès facilité à la formation. Pour Duri Campell, ces récentes décisions ont rendu les parlementaires plus sensibles à la question de l’emploi des seniors.

«Si j’ai voté en faveur de cette proposition, c’est pour envoyer un signal fort concernant les difficultés des chercheurs d’emploi de plus de 50 ans», explique Benjamin Roduit (pdc, VS), membre de la commission de la sécurité sociale. «Mais il ne s’agit que d’une motion. Pour qu’elle devienne loi, le chemin sera encore long», tempère-t-il.

Isabelle Moret (plr, VD), membre elle aussi de la commission, rappelle que son parti soutient un lissage du taux de cotisation au 2e pilier dès l’âge de 45 ans. «La motion acceptée par le Conseil national est un signal en ce sens.»

Des jeunes prétérités?

Pour le Conseil fédéral, un taux unique «engendrerait des coûts importants (pour la transition, ndlr) et chargerait de manière disproportionnée les jeunes générations». En outre, une baisse des cotisations des plus de 45ans – alors qu’ils bénéficient en principe de revenus plus élevés – entraînerait une baisse de leurs rentes, argumente le gouvernement.

Le taux unique, une mesure antisociale? «Non, car les jeunes cotisent pour leur propre retraite», répond Pierre Bayerdörfer. «La cotisation doit être obligatoire dès qu’il y a un salaire et à partir de l’âge de 18 ans», renchérit Duri Campell. Il reconnaît cependant qu’en cas d’adoption du taux unique, il faudra trouver des solutions pour la période de transition.

Il n’y a pas que le vote du Conseil national qui surprenne. Aussi bien l’Union patronale suisse que l’USS se déclarent réservées quant au principe même du taux unique. «Ce n’est pas la cotisation qui est déterminante lorsqu’il s’agit d’engager un collaborateur de plus de 50 ans», déclare Marco Taddei. «Une étude interne montre qu’entre un candidat de 40ans et un de 60, la cotisation plus élevée au 2e pilier ne correspond qu’à un surcoût d’une centaine de francs par mois.»

Pour l’USS, mieux protéger les salariés qui ont une certaine ancienneté – par exemple 10 ans – contre les licenciements serait une solution plus efficace. «Avec un taux unique, le principal risque, c’est de voir le pouvoir d’achat des jeunes diminuer», s’inquiète Gabriela Medici.

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