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Économie

Se reposer et se recharger

L’OFROU a choisi les prestataires qui équiperont les aires de repos des autoroutes en bornes de recharge électrique. Le raccordement des quartiers est désormais le plus urgent


sandrine hochstrasser et ariane gigon

sandrine hochstrasser et ariane gigon

8 mars 2019 à 02:01

Mobilité » «Drôle d’endroit pour une rencontre»: l’expression, venue d’un film où Catherine Deneuve et Gérard Depardieu faisaient connaissance sur une aire d’autoroute, pourrait s’appliquer aux futures stations de recharge rapide qui seront installées sur cent aires de repos suisses d’ici dix ans. L’OFROU a annoncé le choix des cinq concessionnaires hier. Pour les e-conducteurs, l’enjeu est ailleurs: ils attendent avec impatience des bornes dans les quartiers d’habitation.

Une aire d’autoroute, des bancs en général inoccupés, un bloc de béton pour les toilettes, le bruit du trafic en fond sonore et, souvent, de nombreux camions au repos. C’est là que la Confédération a décidé d’installer des stations de recharge rapide pour les véhicules électriques. Ou plutôt de faire installer.

Huit candidats ont répondu à l’appel à candidatures lancé en fin d’année dernière. Cinq ont été choisis, a indiqué l’Office fédéral des routes (OFROU) hier: Gottardo Fastcharge, Groupe E, Primeo Energie avec Alpiq E-Mobility, Socar et le Néerlandais Fastned. Acteur prépondérant du marché romand, Green Motion ne figure pas parmi les entreprises retenues. Ses responsables étaient inatteignables hier.

Chaque concessionnaire dispose d’un lot de vingt aires de repos. La Confédération avance le financement nécessaire à l’équipement en lignes électriques. Budget estimé: environ un demi-million de francs par aire, que les concessionnaires doivent rembourser, au moyen d’une indemnité, durant les 30 ans que dure la concession. La Confédération estime que toutes les aires de repos seront équipées d’ici dix ans au plus tard.

Mais, pour requinquer ses batteries, qui aura envie de passer un quart d’heure sur une aire d’autoroute? «Pas moi, répond cet e-conducteur convaincu qui préfère rester anonyme. De toute façon, près de 70% du temps de recharge se fait chez moi, la nuit, lorsque le courant est moins cher, environ 15% sur la route, avec des prix plus élevés, et le reste au bureau. Quand je suis en déplacement, je choisis un endroit où je peux boire un café!»

Or des bars ou des restaurants, les aires de repos n’en ont point. C’est en revanche le cas des 59 aires de ravitaillement du réseau autoroutier suisse, dont 24 comptent déjà des bornes de recharge. Mais ces aires-là sont aux mains des cantons.

Question de place

«Il est évident qu’il y a des endroits plus attractifs que les aires de repos, admet Krispin Romang, directeur adjoint de l’association Swiss eMobility. Mais beaucoup de bornes sont installées actuellement dans des zones industrielles, où il y a assez de place… et qui sont encore moins attractives!» De plus, pour les rejoindre, les automobilistes doivent sortir de l’autoroute. Un détour qui peut se révéler très ennuyeux.

«L’avantage des aires de repos, explique Nathalie Salamin, porte-parole du Groupe E, c’est qu’il y a de la place, et qu’il est facile d’y développer des bornes, contrairement aux aires de ravitaillement.»

L’OFROU défend également ce choix: «La Confédération fait tout pour encourager la mobilité électrique, répond le porte-parole Guido Bielmann. Avec 100 aires de repos, sur 1858 kilomètres de routes nationales, et les 24 aires de ravitaillement déjà équipées, dont on attend une extension à moyen terme, les automobilistes pourront bientôt compter sur une vaste desserte du territoire le long des autoroutes.»

Quelque 5000 bornes

Il est pour l’heure impossible de savoir exactement combien de bornes de recharge sont déjà installées en Suisse. Selon Krispin Romang, leur nombre se situe aux alentours de 3500, dont moins de 5% seraient des bornes de recharge rapide. D’autres sites évoquent le chiffre de 5000.

Ce n’est toutefois pas au bord des routes que la plupart des acteurs cherchent à implanter leurs stations de recharge (qui ont par ailleurs commencé à être compatibles, grâce à un système de roaming, comme pour la téléphonie, entre prestataires): «Le problème, c’est dans les villes!» s’exclame le géo-économiste de l’énergie Laurent Horvath, fondateur du site 2000Watts.org. «Si vous êtes locataire, avec une place de parking dans la rue, comment faites-vous pour recharger votre voiture?»

L’association Swiss eMobility confirme: «Ce n’est pas sur les aires de repos que tout va se jouer! Le défi, c’est le développement des bornes à la maison ou au travail. Une nouvelle norme de construction va d’ailleurs sortir ce printemps pour permettre d’installer des bornes électriques sur ces sites.» Il faudra probablement encore quelques années jusqu’à ce que les automobilistes puissent prendre leur véhicule sans devoir d’abord tracer un itinéraire avec les bornes de recharge. D’ici là, les aires de repos des autoroutes s’animeront un peu.

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