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Économie

Energie, agrochimie, métaux. ces entreprises qui tirent profit de la guerre

La hausse des prix de matières premières et des dépenses en armement favorise nombre d’entreprises

Les aciéries suisses n’ont pas à se plaindre de la marche de leurs affaires depuis l’éclatement de la guerre en Ukraine.

 Yves Genier

Yves Genier

11 mai 2022 à 04:01

Economie » En conséquence de la guerre en Ukraine, certaines entreprises affichent une santé florissante et publient même, parfois, des résultats record, sans qu’elles soient responsables en rien du conflit en cours. Ainsi, Swiss Steel, dernier aciériste suisse basé à Lucerne, a vu au premier trimestre ses ventes bondir d’un tiers et son bénéfice plus que doubler. Fin avril, le géant agrochimique bâlois Syngenta voyait son chiffre d’affaires et son bénéfice bondir de plus d’un quart ce début d’année. D’autres les ont précédées sur la même voie.

Ces entreprises ont profité de la hausse des cours de nombre de matières premières ainsi que de l’envol de la demande dans certains produits spécifiques dont l’effet de rareté a été accentué par l’éclatement du conflit. Ce ne sont pas à proprement parler des «profiteurs de guerre», au sens qu’on attribuait aux vendeurs d’armement qui ont construit des fortunes lors de la Première Guerre mondiale alors que les populations s’appauvrissaient.

Effets de rareté

Ces sociétés ont la chance de se situer dans des domaines que la guerre a rendus désirables quasiment du jour au lendemain. Swiss Steel ne fabrique pas d’armes, mais des matériaux utilisés aussi bien dans l’automobile que l’aviation ou les technologies médicales. Or, les cours de l’acier ont surgi de quelque 50% au London Metal Exchange dès l’éclatement de la guerre.

Syngenta, dont l’actionnaire de référence est le groupe chinois Chemchina, propose des semences et d’autres solutions d’agrochimie dont l’utilité est apparue d’autant plus évidente que les approvisionnements en fertilisants et en engrais d’Ukraine, du Bélarus et de Russie menaçaient de se tarir.

Leurs concurrentes dans les mêmes secteurs d’activité – l’industrie des métaux, l’agrochimie – ont dégagé des résultats semblables. De même que les multinationales actives dans les secteurs encore plus évidemment impactés positivement par la guerre: le pétrole, qui a vu le cours de sa matière première bondir de 50% en quelques mois, et évidemment l’armement. «On peut dire que c’est le réveil de ces deux secteurs», fait remarquer Jérôme Schupp, stratège chez Prime Partners à Genève.

Ainsi, au premier trimestre, le géant mondial Exxon Mobil a publié un chiffre d’affaires en hausse de 53% à 90,5 milliards de dollars, et un doublement de son bénéfice net à près de 5,5 milliards de dollars, alors même que sa production était en baisse. Son concurrent britannique Shell a vécu pratiquement la même expérience, avec une progression de son chiffre d’affaires de 51% à 84,2 milliards de dollars et un bénéfice record de 9,1 milliards de dollars, hors charges et éléments extraordinaires.

Les gagnants de la Bourse

Ces positionnements heureux pour ces entreprises ne se lisent pas que dans les résultats financiers mais aussi, voire surtout, dans les performances boursières. Sachant interpréter les conséquences économiques d’une guerre en cours, les marchés financiers ont propulsé les cours de certaines entreprises aux cieux, alors que les Bourses, dans l’ensemble, reculaient d’une dizaine de pour cent depuis le début de l’année.

Le fabricant d’armes américain Ratheon a ainsi progressé de 6,6% depuis le 1er janvier, ce qui reste encore bien modeste en regard de la hausse affichée par ses concurrents Northrop Grumman (17%), Lockheed Martin (23%), BAE Systems (25%), Thalès (54,5%) et, cerise sur le gâteau, du fabricant de blindés allemand Rheinmetall (113%). Idem pour les pétrolières, qui ont progressé d’un bon tiers (Exxon Mobil: +38%; Chevron: +35%; Shell: +33%).

Et pour revenir dans l’agrochimie, Bayer – qui avait racheté Monsanto en 2018 – a vu son action s’apprécier de 25%, ce qui donne une idée de l’évolution qu’aurait pu suivre Syngenta si l’action était restée cotée en Bourse.

Mais toutes n’en bénéficient pas dans la même proportion: Swiss Steel, par exemple, a reculé même plus fortement que le reste du marché: – 20% depuis le début de l’année. «Cette conjoncture exceptionnelle, qui a porté plusieurs entreprises en ce début d’année, ne peut pas se prolonger», estime Yves Bonzon, directeur des investissements chez Julius Bär à Zurich. «Elles ont bénéficié des hausses de prix des matières premières mais se voient aussi rattrapées par les coûts d’approvisionnement de ces dernières», ajoute-t-il.

Perspectives en baisse

C’est particulièrement visible pour les géants du pétrole, qui savent mieux que d’autres la volatilité des cours de leur matière de base: après avoir atteint son pic à 136 dollars début mars, le baril de brut se replie à 103 dollars, de quoi effacer une partie des perspectives de marges constituées ces dernières semaines. «Les entreprises le savent très bien», résume Jérôme Schupp: «Elles n’investissent pas dans la recherche de nouveaux gisements, mais dans la transition énergétique.»

Le cas de Swiss Steel est, à cet égard, exemplaire: après avoir atteint un pic le 25 mars dernier, le cours de référence de l’acier au London Metal Exchange a plongé pour se situer, aujourd’hui, exactement à son niveau de la veille du déclenchement de la guerre. Une autre perspective rattrape désormais les bénéficiaires de la guerre: un tassement de la croissance de leurs affaires en raison du coût, pour l’économie globale, du conflit en Ukraine.

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