Du vieux village à la petite ville
Le passé recomposé • Avec son fort développement pavillonnaire, Belfaux a délaissé son assiette originelle. On est à Belbœuf ou à… Corminfaux.
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Jean-Pierre Dewarrat*
11 juillet 2014 à 13:55
Image archétypale du Moyen Pays suisse et fribourgeois que cette vue d’un village des années 20 à 60 du siècle passé, tirée en noir-blanc et au format horizontal dit «paysage». Comme la plupart du temps jusque après-guerre, la composition est classique. On nous montre un lieu sous un angle «normal», c’est-à-dire un point de vue que tout un chacun peut voir de lui-même, généralement de type panoramique et le plus large possible. A la fois pour englober un maximum de paysage culturel (bâti, champs et vergers) et pour permettre une identification facilitée. D’abord à l’usage des autochtones qui peuvent de la sorte immédiatement s’identifier au lieu: c’est «Chez nous». Ensuite à l’attention des autres, ceux d’ailleurs qui, de suite ou au bout d’un petit laps de temps, se disent: «C’est chez ceux de X, Y ou Z…! D’où le rapide succès commercial des vues de villages.
Graphiquement, la charpente paysagère est également classique: deux tiers de terre pour un de ciel. Trois plans horizontaux se succèdent de bas en haut. Le premier plan consiste en des prés enchâssés entre deux lignes étroites et traversant toute l’image: une, plus large et claire, une route tout en bas, et une seconde, mince et foncée, une voie de chemin de fer aux talus ourlés de haies basses.
Le champ visuel du milieu est occupé par le village formé d’un amas de cubes de toutes tailles et formes dont émerge la silhouette plus massive, haute et verticale, de l’église du lieu.
Le dernier plan est constitué d’un patchwork de champs, de forêts, de cordons boisés et d’autres éléments bâtis (groupe de maisons foraines et villages-rues voisins se fondant dans l’abondante végétation). Nous sommes à Belfaux (église Saint-Etienne, néoclassique; plan de Fidel Leimbacher et achevée en 1852). A gauche, le groupe des prés et au fond, au milieu, les microvillages de Lossy et La Corbaz. La forêt cantonale (à gauche) et le bois de La Corbaz ferment l’horizon.
Datant d’après la BCU d’entre 1940 et 1950, la carte postale donne encore à voir le noyau villageois d’il y a trois quarts de siècle, un ensemble bâti le long de la route Fribourg - Payerne, sur un replat dominant la Sonnaz et chapeauté par l’église. Deux haltes de chemin de fer (Fribourg - Payerne et Fribourg - Morat) pour un peu et une position des plus plaisantes aux portes de Fribourg pour beaucoup ont entre-temps complètement changé la donne.
En 2014, l’habitat privé a colonisé une grande partie du coteau sud (Montaubert-ouest, d’où est prise la vue) pour rejoindre celui des confins nord de sa voisine, Corminbœuf, dont le centre historique ne se trouve qu’à 1,5 km. Aujourd’hui, Belfaux n’est plus le «but de promenade préféré des habitants de Fribourg»**, mais semble par contre être devenu un de leurs lieux de résidence préférés. Il est loin ce «temps de carte postale»! En 2014, Belfaux (et Corminbœuf par là même) appartient, urbanistiquement et paysagèrement, à l’agglo du Grand Fribourg dont il est dès lors le portail d’entrée côté ouest.
* archéologue du territoire et chargé de cours à l’EIA-FR
** Dictionnaire géographique de la Suisse, t. I, 1902, p. 175
> Cette série est réalisée en partenariat avec la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg (BCU), qui a puisé dans ses collections les photos anciennes publiées ici. Une partie des fonds photographiques de la BCU (env. 20 000 images) est accessible sur le site: www.fr.ch/bcu/n/photos
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