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Scènes

Partir pour être vu ici

Plusieurs artistes fribourgeois actifs en musique, théâtre ou humour jouent cette année dans le Off du Festival d’Avignon. Mais pourquoi?


 Tamara Bongard

Tamara Bongard

15 juillet 2023 à 04:01

Spectacle » «Je suis convaincu que je vais y retourner, j’ai été séduit», s’enthousiasme Jo Mettraux, de retour du Festival d’Avignon. C’était la première participation du Fribourgeois à cette grand-messe du spectacle vivant qui se déroule jusqu’à la fin juillet dans le Vaucluse. Il a inauguré le show Les Suisses romands chantent… et se croisent en Avignon où se relaient au Théâtre des vents des noms bien connus par ici: Aliose, Marc Aymon ou encore Phanee de Pool. A-t-il eu du public? «Les deux premières soirées ont été compliquées mais la troisième s’est terminée en feu d’artifice», sourit le chansonnier de Neyruz.

Car à Avignon, près de 1400 spectacles ont lieu chaque jour. Il y a d’un côté le In dont les pièces ont été sélectionnées et où les artistes sont rémunérés. De l’autre, le Off dont la programmation essaime dans chaque recoin de la ville et où tout un chacun peut louer un espace pour proposer sa création. C’est la majorité des événements, déclinant toutes les nuances de style et de qualité. Pour un artiste ou une compagnie, il faut donc «tracter» dans les rues, c’est-à-dire distribuer des flyers pour inciter les spectateurs à venir ici plutôt qu’ailleurs.

Au Off, le tarif des locations des théâtres est élevé – les spectacles s’y enchaînent à un rythme effréné – et le coût de l’hébergement prend l’ascenseur pendant le festival. Il s’agit donc d’un important investissement financier. Pour Jo Mettraux, toutefois, le risque économique était nul. «David Chassot (Chassot Productions, ndlr) a eu l’idée de louer ce petit café-théâtre pour les chanteurs romands. Il m’a demandé si j’étais partant. Nous avons choisi un format restreint, un duo, et nous avons mis en place un spectacle musical davantage centré sur les textes et sur l’interactivité», explique-t-il. C’était seulement la deuxième fois que Jo Mettraux jouait dans l’Hexagone mais pas la dernière. «Nous avons créé un réseau sur place. Nous revenons donner un concert dans la région en automne», se réjouit l’artiste. Au final, c’est bien le but de cette aventure avignonnaise: se faire repérer par des programmateurs et décrocher de nouvelles dates, particulièrement en France.

Aussi du stand-up

Jo Mettraux n’est pas le seul Fribourgeois à passer par l’événement. Jenny Lorant est à l’affiche du spectacle musical Swing-Gum et la Compagnie Pierre-Do en coproduction avec la Compagnie le Magnifique Théâtre y présente son Schubert: recettes, remixes et beautés. Marjolaine Minot est même venue avec deux pièces, La poésie de l’échec et Non! Je veux pas. «Nous avions déjà investi pour une pièce destinée aux adultes et nous avions encore une création pour les enfants. Deux des trois acteurs jouaient dans les deux», raconte la co-metteuse en scène. Pour couvrir le budget de plus de 90 000 francs de ce double projet, soutenu en partie par des aides institutionnelles et étatiques, elle a lancé une cagnotte We make it «qui s’est assez bien passée». «Nous avons demandé 20 000 francs et nous en avons reçu 18 000. Nous avons eu 110 donneurs qui ont chacun contribué à leur mesure», note-t-elle.

Elle a aussi reçu de l’argent de la Société suisse des auteurs (SSA) lui permettant de payer une chargée de diffusion qui a 25 ans d’expérience sur la manifestation. «Son travail en amont et en aval du festival est essentiel. Pas mal de programmateurs sont venus nous voir», se félicite Marjolaine Minot, déjà présente en Avignon il y a 5 ans. Mais les conditions étaient très différentes. «Je n’étais pas préparée. J’ai perdu 23 000 francs avec un spectacle qui avait pourtant tourné 150 fois en Suisse», remarque-t-elle. Sélectionnée dans la programmation du festival Le Chaînon manquant qui s’appuie sur un réseau de plus de 300 professionnels, elle y a déjà décroché 20 dates françaises. Et elle compte bien en rajouter après son passage avignonnais.

Le stand-up fribourgeois, plutôt récent, s’est aussi installé dans la cité des papes. Jérémy Crausaz y donne pendant trois semaines son one man show. Pour rappel, il y était déjà venu quelques jours en 2019 puis l’an dernier avec Lord Betterave. Son marathon de cette année est juste interrompu par un aller-retour au pays pour jouer au Giron de Vuisternens-devant-Romont. Lui aussi est invité par Chassot Productions. Comment se passe son festival? «Il y a du public», rassure l’humoriste qui a déjà vu des programmateurs fribourgeois(!) et français dans la salle. Après son spectacle, il profite également de participer à un plateau d’humoristes dans un autre lieu aussi fréquenté par des pros et où il joue des extraits de son show pour leur donner envie d’en voir plus.

Une vitrine

«Un artiste a beaucoup plus de chances d’être vu par des programmateurs suisses à Avignon qu’en Suisse», abonde David Chassot, directeur de Chassot Productions, qui profite lui-même de l’événement pour enrichir son réseau. Depuis 12 ans qu’il est actif dans le domaine, c’est la première fois qu’il programme des Fribourgeois au festival. Il estime que le coût d’un mois dans un théâtre d’une cinquantaine de places oscille entre 20 000 et 30 000 francs; la billetterie en rapportera quelques milliers. Pourquoi est-ce important de venir en Avignon? «Dans l’humour particulièrement, les spectacles s’améliorent au fil des représentations et il est rare de pouvoir jouer 20 fois de suite. Il y a également un côté vitrine: 95% des programmateurs francophones y font un passage.» Une mise en avant intéressante même pour des artistes établis. «Aliose joue ici devant 20 ou 30 spectateurs et la semaine prochaine à Paléo devant 20 000», souligne le Broyard.

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