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Scènes

Nicole Morel. la force tranquille

Sur tous les fronts, la chorégraphe offre deux créations à Fribourg, à commencer par la Fête de la danse

Pro Helvetia soutiendra Nicole Morel via la plateforme YAA! (Young Associated Artist).

 Sabrina Deladerière

Sabrina Deladerière

1 mai 2019 à 04:01

Rencontre » Nicole Morel est discrète, fine, et la délicatesse de ses traits évoque la Renaissance italienne. On a tendance à oublier qu’elle fut la seule danseuse romande du 29e Prix de Lausanne en 2001. Elle avait alors 15 ans. Des nerfs, elle en a, forgés à la discipline de la danse classique, au Conservatoire de Fribourg, sous la houlette de Corinne Held, et à la Ballettschule dirigée par John Neumeier, à Hambourg, en Allemagne. Et des nerfs, il lui en faut actuellement pour assumer deux premières à Fribourg en quatre jours et enchaîner sur une résidence à la Halle grise de Bluefactory.

Habituée de la Fête de la danse, Nicole Morel n’avait pas l’intention de participer cette année à l’événement. Mardi, Equilibre inaugurait The Importance of Being Earnest, du Nouvel Opéra Fribourg, dont elle signe la chorégraphie. Poursuivre avec sa propre création quelques jours plus tard tenait de la folie. Et pourtant elle avoue: «J’ai vraiment hésité mais j’aime la Fête de la danse. C’est une belle manifestation, accessible, qui se prête idéalement aux impulsions créatrices. Elle permet aux projets d’éclore, même si le temps de création est court.»

Des sculptures de tissus

La Vallée de l’étrange, à voir samedi et dimanche au Nouveau Monde, germait dans son esprit depuis quelque temps déjà: «Lorsque Danilo (Cagnazzo, programmateur) m’a contactée, je réfléchissais à mettre en scène les obsessions récurrentes que nous partagions ma costumière et moi. J’avais en tête des sculptures en tissus, des corps qui n’en étaient pas, des déformations, des rituels, des costumes, des masques qui changent la perception du regard de l’autre. De là, avec Saskia Schneider, nous avons construit un dialogue.»

Il faut dire que, depuis la création de sa compagnie Antipode Danse Tanz en 2014, Nicole Morel a suivi une trajectoire sinueuse. Un premier travail pour la Fête de la danse en 2015 puis des débuts institutionnels à Nuithonie avec Nebula en 2016. Une production qui fit parler d’elle pour une raison qui peut paraître anecdotique: les couples étaient séparés à l’entrée de la salle et se voyaient attribuer une place aléatoire. Un procédé souvent mal perçu par le public. «C’était violent, avoue-t-elle, un couple a même fait demi-tour pour se faire rembourser. Les placeuses et placeurs se faisaient insulter.»

Après ces débuts quelque peu tonitruants, la chorégraphe entame une relation fructueuse avec la compagnie Opéra Louise puis avec le Nouvel Opéra Fribourg. En 2018, elle crée Meta au Marly Innovation Center, dans le cadre de la saison de Nuithonie. Habituée des créations in situ, son équipe s’approprie ce lieu vierge et doit tout inventer. A l’arrivée, une vraie réussite, stupéfiante de beauté. Mais après ces quelques années d’activité, se sent-elle ancrée dans le paysage artistique fribourgeois? Elle rit: «Nous serions plus connus si nous nous étions appelés Compagnie Nicole Morel…» Elle entretient de très bonnes relations avec Mélanie Gobet et Da Motus!, avec qui elle partage un studio à La Maison des artistes: «Je trouve qu’il y a une dynamique très saine avec les autres artistes, très positive, qui nous tire vers le haut.»

Une sculpture mouvante

Est-ce cette stimulation qui la pousse à explorer d’autres territoires? Pour A Journey on Moving Grounds, coproduction du prochain Festival du Belluard, elle a imaginé une imposante structure dont les éléments s’ouvrent et se séparent. Et des corps, évidemment, qui doivent composer avec cette sculpture mouvante. Pour cette production, elle bénéficiera d’une semaine de création dans le nouveau cœur éphémère de Bluefactory, l’Unlearning Center. Cet espace immense, brut mais aménagé, se prêtera à merveille aux recherches scénographiques de la chorégraphe. De plus, la compagnie ouvrira ses entraînements du matin à tous et des répétitions seront ouvertes au public certains soirs. De quoi apprivoiser les Fribourgeois et entrer dans leur quotidien.

Mais au fait, Nicole Morel a-t-elle quelquefois la nostalgie de sa vie au Ballett am Rhein? Elle est catégorique: «Jamais! Je ne regrette rien, sauf peut-être les tournées internationales. C’est à Fribourg que les choses doivent se développer. Le temps a passé extrêmement vite et j’ai emmagasiné une quantité de nouvelles expériences. L’avenir est incertain mais je suis confiante.» Et elle n’est pas la seule. Pro Helvetia a choisi de la soutenir via sa plateforme YAA! (Young Associated Artist), qui associe chorégraphe de talent et théâtre établi (Nuithonie en l’occurrence). Le programme s’étend sur une période de deux ans. Deux ans pour donner au papillon le temps de sortir de sa chrysalide. Nicole Morel dit aller chercher formellement ce qu’un corps peut exprimer dans une carapace. Réjouissons-nous, nous serons aux premières loges pour sa métamorphose.

Sa 18 h 15, di 11 h et 18 h Fribourg

Nouveau Monde.

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