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Science-fiction. Et si vous étiez «déréalisé»?

Invitée au Salon du livre de Genève, Louise Bonsack s’inscrit dans une haute tradition SF avec ce premier roman qui voit les citoyens perturbateurs être «déréalisés» et l’écriture interdite. Une prouesse.

Née en 1989 à Lausanne, Louise Bonsack est enseignante et anime depuis 2015 des ateliers d’écriture créative. © DR

Thierry Raboud

Thierry Raboud

1 mars 2024 à 02:10

Temps de lecture : 1 min

«Si nous n’avons rien à nous reprocher, pourquoi ne pas accepter de tout montrer?» interrogeait en septembre dernier Lilia Hassine dans Panorama, dystopie qui vouait la France de 2049 au régime de la Transparence, société vitrée où les logements sont des vivariums entièrement offerts à la surveillance du voisinage. Une violence du regard que la littérature d’anticipation a tôt brandie en métaphore d’un totalitarisme annihilant toute liberté individuelle – on pense évidemment au clairvoyant Orwell dont l’univers annonçait à bien des égards un certain despotisme technologique contemporain.

Depuis, l’avènement de ce que la sociologue Shoshana Zuboff a appelé, dans un essai qui a fait date, le «capitalisme de surveillance», a rendu toujours plus profuse et nécessaire cette littérature de l’extrapolation, qui exacerbe en les conjuguant au futur les dérives de notre présent où la transparence est une vertu cardinale. Du 2084 de Boualem Sansal aux Furtifs d’Alain Damasio, c’est une littérature d’alerte, qui célèbre la survivance des ombres dans l’angle mort du voyeurisme étatique.

Réduire la réalité

Terrifiante transparence que l’on retrouve dans le titre de ce premier roman signé Louise Bonsack. Née en 1989, cette Lausannoise a étudié le français et la philosophie; son livre s’en ressent, tant par son intertextualité littéraire que par sa haute portée métaphorique. Les Presses Inverses, qui profitent de cette 35e publication pour inaugurer une convaincante ligne graphique, lui offrent tout le soin éditorial qu’elle mérite. De fait, Des êtres presque transparents creuse cette veine de futurisme critique avec une justesse de ton, une économie de moyens et une profondeur rarement lues dans la SF d’ici.

Le roman s’ouvre au sortir de l’ère du chaos. «Les tsunamis, les volcans, les catastrophes, le terrorisme, le réchauffement climatique, la pollution, le cancer, les épidémies, nous les avons vus, nous les avons vécus, nous les vivons encore.» Pour remédier à ces calamités, le Président annonce la mise en place de mesures «à la fois extrêmement simples et prouvées scientifiquement» consistant à soustraire de la réalité les groupes perturbateurs. Opération à vrai dire mystérieuse qui transforme les citoyens déchus en fantômes impalpables, dénués d’ombre et de corporalité, flottant inaperçus parmi les humains encore réels.

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