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Écrans

La force des héros invisibles des films, livres ou pièces de théâtre

A l’écran, sur scène ou dans les livres, les arlésiennes sont ces personnages que l’on ne voit jamais, absents pour stimuler l’imagination. Par exemple, qui est le patron de Magnum, la célèbre moustache des années 80, de retour sur la RTS?

© RTS/NBC UNIVERSAL STUDIOS

Tamara Bongard

Tamara Bongard

27 octobre 2023 à 15:40

Temps de lecture : 1 min

Fictions » «Maris est comme le soleil, mais sans la chaleur.» Voilà une des répliques cultes de Frasier, la fabuleuse série construite autour d’un psy animateur de radio diffusée de 1993 jusqu’en 2004 et qui revient sur Canal+ pour une nouvelle saison – pas mal du tout d’ailleurs. Maris Crane est aussi de constitution fragile et est drôle comme une déclaration d’impôts. Pourtant, aucun spectateur n’a jamais vu la belle-sœur du héros. C’est un personnage secondaire fantôme dont on finit par se brosser un portrait mental fort amusant. Et un brin caricatural, forcément.

Ce n’est de loin pas un cas isolé. Magnum, dont la version avec Tom Selleck est à nouveau visible sur la RTS, compte aussi son mystérieux protagoniste, Robin Masters. Cet écrivain devenu multimillionnaire est à la tête de la propriété que la plus célèbre moustache des années 80 est chargée de protéger. Les enquêtes du détective privé en Ferrari, ponctuées de quelques énormités racistes et sexistes, ne le mettront pas sur la piste de l’identité du magnat. Des indices contradictoires laissent même sous-entendre qu’il pourrait s’agir d’Higgins, sorte de majordome de luxe présent dans chaque épisode. De Robin Masters, on connaît toutefois la voix. C’est d’ailleurs souvent par ce biais que ces rôles invisibles vivent à l’écran, comme la mère d’Howard dans The Big Bang Theory ou Charlie qui communique ainsi avec ses Drôles de dames.

Opéra de Bizet

Quand on y pense, des arlésiennes se baladent dans de nombreuses œuvres artistiques et y tiennent même parfois le premier rôle. Elles tirent leur nom de l’opéra L’Arlésienne de Bizet, où cette femme du sud de la France n’apparaît pas sur scène. Elle se retrouve (ou ne se retrouve pas, plutôt) dans le texte éponyme d’Alphonse Daudet. De nombreux comédiens ont également attendu très longtemps, au théâtre, l’arrivée de Godot.

Michel Viegnes, professeur en littérature française auprès de l’Université de Fribourg, pense à deux autres exemples emblématiques. D’abord Soudain l’été dernier, une pièce de Tennessee Williams (1958) adaptée par Mankiewicz au cinéma (1959) et réunissant un casting somptueux: Katharine Hepburn, Elizabeth Taylor et Montgomery Clift. L’histoire est celle d’un poète mort brusquement l’été précédent et dont la mère essaie de préserver la réputation. Sa cousine, qui la met à mal, est enfermée dans un hôpital psychiatrique. Elle dit qu’il était gay.

«Ce qui fait la force de la pièce est ce vide, cette béance. Le personnage doit être absent pour que nous puissions avoir un débat autour de sa vérité», souligne Michel Viegnes, ajoutant: «Quand on passe à une adaptation au cinéma, on ne peut toutefois pas s’empêcher de le montrer. Dans la version filmée, on voit ainsi sa silhouette de dos.»

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