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Écrans

Cinéma. La Bête, labyrinthe amoureux

Bertrand Bonello filme l’amour indestructible dans une fable de science-fiction avec Léa Seydoux et George MacKay.

George MacKay et Léa Seydoux, un couple dont l’amour indestructible met à mal les intelligences artificielles. © Sister Distribution

Olivier Wyser

Olivier Wyser

20 février 2024 à 12:40

Bertrand Bonello est décidément un regard singulier dans le paysage cinématographique français. Après l’électrochoc Nocturama, en 2016, puis une incursion osée et réussie dans le cinéma de genre avec Zombi Child, en 2019, et une expérience entre prises de vues réelles et animation (Coma, 2022), le cinéaste revient sur le grand écran avec un film de science-fiction ambitieux qui n’est pas sans rappeler les labyrinthes mentaux de David Lynch ou David Cronenberg.

La Bête se déroule en 2044. Dans cet avenir proche, l’intelligence artificielle a pris le dessus et les simples émotions humaines sont désormais des obstacles au bon fonctionnement d’une société qui ne tolère plus l’aléatoire. Si l’on veut prouver son utilité, mieux vaut dès lors se débarrasser de ses affects. C’est là que nous rencontrons Gabrielle (Léa Seydoux), qui entreprend des séances de «purification» de son ADN. Ces grands bains noirs dans lesquels elle se plonge lui font revivre ses vies antérieures pour mieux laver son esprit des traumatismes du passé. Dans ces mondes parallèles, elle retrouve Louis Lewanski (George MacKay) à différentes époques. Gabrielle semble partager avec cet homme mystérieux ce qui semble être un lien amoureux intemporel. Mais quelque chose semble résister…

Puzzle émotionnel

Solidement ancrée dans un futur dystopique qui exploite habilement les errements éthiques de notre temps, La Bête s’inspire librement de La Bête dans la jungle, une nouvelle d’Henry James déjà passée entre les mains de Marguerite Duras (une adaptation théâtrale) ou de François Truffaut (La Chambre verte). Avec son atmosphère onirique et envoûtante, le long-métrage de Bertrand Bonello se vit presque comme une expérience sensorielle. La mise en scène précise associée à une photographie magnifique et une bande-son originale et immersive brouillent les pistes entre la réalité et la fiction. Une proposition définitivement troublante.

En filigrane, l’amour indestructible que partagent ces humains trop organiques pour ces temps numériques se montre d’une surprenante puissance. Capables de transcender le temps, les sentiments peuvent également être un danger mortel. Entre ombre et lumière, c’est bien l’amour qui est cette bête dévorante évoquée par le titre du film, qui nous incite à réfléchir à son essence. Avec son rythme contemplatif et sa narration non linéaire, La Bête pourra peut-être en dérouter certains… Mais ce puzzle émotionnel est le genre d’invitation sur grand écran suffisamment unique et audacieuse pour qu’on l’accepte sans broncher.

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